Paranoid Park, c'est cette contemplation envoûtante et nostalgique par la caméra de Gus van Sant de ces skateurs libres et performants. Ils sont maîtres de leurs planches et illusoirement de leurs vies, naviguent de haut en bas, roulent au gré du rythme, tremble et peuvent tomber subitement quand l'équilibre se perd. Mais ils se relèvent toujours à l'image d'une nouvelle leçon constante que l'on intériorise et qui nous maintient ainsi sur pieds, face à la vie. Comme le reflet d'un miroir, Paranoid Park est aussi cette chronique de vie complètement déconstruite d'un jeune adolescent prénommé Alex. Un jean baggy et une casquette vissée sur la tête laissant ainsi ses longs cheveux dépasser sur les côtés, Alex roule sa bosse entre un amour de jeunesse qui s’engouffre face à la passion du skateboard qui dévore tout, des parents qui se séparent, une vie moyenne peuplée de ses embûches et désillusion, et une lourdeur infâme et sans-retour qui mélange les perceptions et rajoute du plomb dans l'aile à un cœur déjà bien lourd. Un cauchemar sorti de la nuit, après que le monde sous-terrain du fameux Paranoid Park est venu danser avec le jeune adolescent le temps d'un soir, en communion avec un certain train et un certain vigile de sécurité non loin de là. Cette oeuvre de Gus van Sant est comme une balance pesant le poids de la culpabilité. Un chemin où la conscience devient de plus en plus lourde, et part s’inscrire inévitablement au registre d'une quête recherchant désespérément la rédemption. Cette rédemption s’inscrit-t'elle à travers des mots posés dans un cahiers, ou véritablement dans la pensée même du protagoniste pouvant ainsi aimer et pardonner ceux qui ne sont plus là. Paranoid Park est asphyxiant tant il est difficile de pouvoir s'évader des douleurs, mais aussi libre tant il est passionnant de contempler une jeunesse américaine nourri de skate, de rap, d'amour et d’insouciance. Une symphonie de jeunesse perdue et déconstruite où les secrets que l'on garde bien profondément finissent toujours par transparaître dans le blanc des yeux.

RemiSavaton
8
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Les meilleurs films de 2007

Créée

le 5 mai 2020

Critique lue 156 fois

Rémi Savaton

Écrit par

Critique lue 156 fois

D'autres avis sur Paranoid Park

Paranoid Park
Heisenberg
7

Innocence

Primé à Cannes, j'avoue être allé à reculons devant le film surtout après l'expérience ou plutôt les expériences — car il s'agit de deux choses très différentes — mitigées que furent Gerry et...

le 1 nov. 2011

28 j'aime

4

Paranoid Park
Lubrice
3

Critique de Paranoid Park par Brice B

Des films de Gus Van Sant, on pourrait tirer un précepte toujours appliquable : c'est quitte ou double ! Empruntant ça et là ses ingrédients préférés (on notera une accroche récurrente avec...

le 13 nov. 2010

20 j'aime

1

Paranoid Park
EricDebarnot
8

Le meilleur du cinéma moderne

Et si "Paranoid Park" illustrait ce qu'il y a de meilleur dans le cinéma "moderne", aujourd'hui, près de 40 ans avant que ce concept soit né puis mort sous les coups du cinéma de divertissement ? Une...

le 22 avr. 2017

15 j'aime

Du même critique

Petite maman
RemiSavaton
7

Retour vers la mère

Petite Maman, le dernier film de Céline Sciamma présenté à Berlin en début d'année prolonge la ligne dans laquelle la cinéaste est surement la meilleure : son regard simple, et pourtant si beau sur...

le 2 juin 2021

7 j'aime

Viendra le feu
RemiSavaton
7

Ce n'est qu'une question de jours avant le drame

Oliver Laxe signe un film aussi poétique que dur, récompensé du prix du jury à ''Un Certain Regard'' lors du festival de Cannes 2019 ! ''Viendra le feu'' ou ''O que arde'' en version original,...

le 10 sept. 2019

7 j'aime

Days
RemiSavaton
7

Les Feux de la rampe

Scruter la monotonie du réel et du quotidien pour en apprécier encore plus la surprise subite, le geste d'une beauté rare qui d'un coup, tord la ligne droite de la vie. Days de Tsai Ming-liang est un...

le 12 sept. 2020

6 j'aime