Chez les uns, le plafond est si bas qu’un bras levé n’achève pas sa course ; chez les autres, le jardin est si vaste qu’il donne accès à une fraction de cosmos, accueille le soleil dans son ensemble. Parasite relate une contamination sociale où les cafards qui peuplent les sous-sols gagnent la lumière, jouent aux bourgeois le temps d’une soirée arrosée, rêvent aux transformations nécessaires à leur mutation, celle qui n’aura jamais lieu. Car le profond cynisme de l’œuvre réside dans ce fantasme étiré et grossi pendant plus de deux heures selon lequel la grenouille pourrait se faire plus grosse que le bœuf. Le clignotement d’une lampe dans le couloir central traduit la lettre d’un père à son fils, cette même lettre que ce dernier tente de reconstituer assis sur le siège d’une rame de métro. Le petit pauvre l’a compris, là où la mère friquée n’y a vu qu’un dysfonctionnement technique et matériel, vite réparé. La clausule en trompe-l’œil achève ce goût amer de sur-place, d’ambitions qui, on le sait bien, n’aboutiront pas. Réglée comme du papier à musique, la mise en scène de Bong Joon-Ho remplace les mots par des mouvements de caméra et retranscrit par des sons et des images – à l’instar du braille – les rapports hiérarchiques ou complices qui unissent les personnages, les projets qui se succèdent dans des têtes avides de revanche sociale.


C’est là où le cinéaste brille ; c’est aussi là où son art trouve ses limites intrinsèques. Trop démonstratif, le film fait preuve d’un souci d’efficacité qui finit par amuïr le mystère et étouffer le vertige d’une révélation finale plutôt grotesque, quoique tragique, et paradoxalement conventionnelle. Le principal reproche à adresser à Parasite, c’est son absence de profondeur, sa carence d’âme qui n’empêche en rien le divertissement de fonctionner (bien au contraire, quel divertissement !) mais semble cantonner l’œuvre à des préoccupations terre-à-terre et strictement ludiques. Nous sommes loin de la virtuosité cathartique de Memories of Murder. Reste un film efficace et mené de main de maître.

Fêtons_le_cinéma
8

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le 1 déc. 2019

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