Plein de qualités pour ce film hors normes. D'abord, l'histoire : complexe, touffue, enlevée, profonde, dense, variée, originale et dramatique, elle nous emmène vers un dénouement apothéotique qu'un épilogue vient modérer en mode quasiment onirique, après le cauchemar vers lequel on a été lentement conduits. Ensuite, le ton. Une comédie vraiment noire, ça n'est pas si fréquent, ni facile à réussir. Ici, on navigue entre le burlesque, parfois, et la critique sociale acérée, sans vraiment choisir une dominante. Les personnages semblent entraînés malgré eux vers un destin qu'une pierre parée de vertus magiques pourrait matérialiser, si on se laisse entrainer par son imagination. Troisièmement, le propos. Une famille d'arnaqueurs parasite une famille très aisée, tandis qu'une autre famille étrange vient perturber ce jeu pervers. Qui sont les plus monstrueux, à la fin ? Les pauvres qui ne reculent devant rien pour profiter un peu d'une vie qui leur échappe totalement ? Les domestiques qui hantent les lieux luxueux en toute invisibilité et y injectent leurs propres fantasmes et problèmes, en finissant par se prendre pour les maîtres du jeu ? Les riches eux-mêmes, totalement hors sol et arc-boutés sur des principes égoïstes adossés à un ordre social inhumain, habitués qu'ils sont à ce que l'univers entier gravite autour de leur nombril ? Voilà une méditation qui méritait d'être menée à son terme. Un terme d'une violence folle, bien entendu. Enfin, dernière qualité et non la moindre, la beauté de chaque plan, qu'il faut souligner : des éclairages soignés, colorés, qui filtrent une réalité parfois sordide et lui prête des teintes chaudes rassurantes, même quand l'horreur frappe à la porte. Encore un cocktail inattendu, qui garde l'ambiance du film sur une crête étroite. On a l'impression d'être le jouet d'un marionnettiste expert, qui tire sur des ficelles aussi fiables que des méridiens d'acupuncture et nous plonge dans des bains successifs aux températures extrêmes... Bref, une vraie expérience de cinéma, dérangeante, fascinante, dont on se réveille au bord de l'asphyxie et ravi à la fois, c'est assez rare.