Dans la série du confinement, il fallait bien revenir sur ce grand film qu'est Parasite. Un grand et beau choc pour les cinéphiles et chose assez rare, ultra- populaire du grand public. Parasite fait enfin office après tant d'années de ce grand film que le festival de Cannes avait grand besoin, un film d'auteur populaire et ultra généreux, prêt à être le carton surprise de l'année.
Boon Joon- Ho est comme à son habitude livre un de ses meilleurs films, mais bon c'est quand même assez loin de la qualité de Memories of Murder, de The Host, ou de Mother, mais cela incroyablement bien fait. Il est peut- être le meilleur metteur en scène actuel, il n'y a qu'à voir sa mise en scène, chef d'oeuvre absolu techniquement et scénaristiquement. La maison fait office de grand personnage du film, mais le second est la caméra, tellement elle vivote et tourne autour de ses personnages et des décors de façon exceptionnelle.
Les acteurs sont aussi drôles qu'investis, que dire de Cho Yeo-jeong, mémorable et hilarante en jeune maman riche et naive, et de Song Kang-ho, habité plus que jamais en grandiose mari ripoux et blagueur, et Jang Hye-jin, la femme de notre mari pauvre, elle- aussi étincelante. Si le mari riche est plutôt en retrait, c'est pour mieux nous laisser se délecter des relations entre les jeunes, qui sont eux- aussi géniaux dans leurs rôles. Le traitement des personnages est parfait et leurs interactions sont un pur délice, découpés par des dialogues très justes.
Techniquement, Parasite est ce qu'on peut voir de meilleur en 2019. C'est exceptionnel. Les décors sont parfaits, et cette maison- manoir de riches est aussi une perle, permettant de mettre de l'âme dans cette histoire. Le scénario est lui- aussi excellent, variant avec pertinence les différents rebondissements du film et les différents points de vues. La lumière est superbe, la photographie est sublime à tous instants, et le rythme nous tient constamment en haleine, et le montage est aussi un chef d'oeuvre dans le chef d'oeuvre.
Parasite est aussi un grand film, et probablement la raison de son succès, car il traite d'un des problèmes les plus fondamentaux de chaque société humaine, encore plus d'actualité avec celles montantes dans la plupart des pays depuis le début du 21e siècle : les inégalités sociales et économiques, ou plus directement la lutte des classes sociales dans une société fermée et lisse comme la Corée du Sud. D'un côté, les pauvres sont à essayer de trouver des combines à tout prix pour survivre, et les riches, complètement déconnectés, sont soit naifs soit méchants car ils ne comprennent le monde "normal".
La musique prenante nous permet de se rendre de ses décors majestueux, vus et revus dans d'autres films sud- coréens, et cette gigantesque maison fait effet presque de maison aussi bien accueillante que démoniaque, puzzle qui va se démultiplier dans le film, une petite idée de génie.
Et puis le film regorge de scènes cultes dès le premier visionnage, versant aussi bien dans la comédie de moeurs que le portrait social qu'un thriller bien ficelé aux accents horrifiques et angoissants très bien rendus. Parasite, on pourrait dire, c'est le film qui a réconcilié tous les cinéphiles en 2019, et c'est une énorme claque assez logique. Et son succès mondial est amplement mérité, ses oscars aussi.
Cependant... il y a cette fin, qui se veut être une apothéose. Alors que le film était un modèle multi- genre, délicat, subtil, passionnant, se vautre dans un dernier quart d'heure un peu WTF où tout le monde pète un peu un câble, compréhensible mais un peu décevant, après toute la montée que l'on a pendant le film. Et qui m'a complètement sorti du film, notamment pour des décisions scénaristiques un peu foireuses.
Malgré cela, Parasite est un film multi- genre, une satire, un film d'horreur, un thriller, un film typiquement sud- coréen avec les maux de son pays, et qui manie les genres avec merveille, maîtrisant son atmosphère unique de grands moments de silence très puissants. Je me remémore surtout la scène de fête des parents, puis la scène du fantôme dans la maison. Probablement la scène la plus drôle du film, ultra drôle, et de loin la scène qui m'a fait le plus peur au cinéma depuis des lustres. Dans le même film, c'est dire le bordel.
Comment dire ? Oui, Parasite est clairement LE phénomène de l'année 2019. Celui qui a mis tout le monde d'accord. Un chef d'oeuvre, je dois l'admettre, mais pas au fond de mon coeur. Avec cette fin un peu raté. Mais cela reste un grand film, surtout pour le confinement.
Sans aucun doute, le prochain film- référence des écoles de cinéma. Boon Joon- Ho confirme son statut de meilleur manieur de caméra en vie. Tout le monde va attendre enfin son prochain film, qui s'annonce être une nouvelle tuerie. Et puis ma soeur, le baromètre niveau zéro du cinéphile, a adoré, donc ça doit être quand même bien.