J'aime les films contemplatifs. Ceux qui prennent le temps d'observer, de laisser réfléchir, de permettre au spectateur de faire voyager son regard et son esprit. C'est pour cela que j'aime, notamment, le cinéma de Tarkovski. Ma première rencontre avec Wim Wenders s'était faite avec Les Ailes du Désir, un film lent, mélancolique mais très poétique et qui, justement, contemplait le monde avec un regard à la fois nostalgique et bienveillant. Paris, Texas est probablement le film le plus connu et le plus réputé du réalisateur, et je l'ai abordé avec une certaine sérénité.


La route. Elle constitue le fil conducteur de Paris, Texas. Qu'elle sillonne les immenses espaces américains ou qu'elle soit tracée dans l'esprit de Travis, il faut la suivre. C'est d'ailleurs loin de toute route, en plein désert, que l'on rencontre Travis, débraillé et errant, emprisonné dans un mutisme mystérieux. La route, il va la retrouver peu à peu, et elle lui permettra de retrouver son chemin, son frère, sa famille. Paris, Texas part d'un mystère pour peu à peu se dévoiler, mais jamais trop. Basé sur un rythme lent, il prend le temps. On comprend rapidement que cette apparition soudaine de Travis au beau milieu du désert et sa réinsertion dans la société ont pour vocation de représenter quelque chose de plus important et suggéré.


Dépossédé, esseulé, Travis est un homme qui cherche à se reconstruire, à retrouver le droit chemin et à réécrire l'histoire. Tous les éléments du film tournent autour d'une vaste allégorie d'un amour qui s'est embrasé, qui s'est éteint, désormais perdu, mais qui a laissé derrière lui des plaies qui restent encore à panser. Travis, désemparé, a choisi de fuir, mais son destin va le pousser à devoir prendre les devants, à voyager à travers son passé pour réparer le présent et construire un futur meilleur. La route, une nouvelle fois, se présente comme l'élément fondamental du film. En la retrouvant, Travis retrouve la parole, revient auprès des siens, se remémore son passé, et part retrouver celle qu'il avait aimé. Mais cette route n'a pas de fin, comme dans ces immenses espaces où l'horizon se perd à l'infini, seuls quelques arrêts sont permis sur le trajet, mais il faut continuer, sans relâche.


Wim Wenders choisit l'immensité des contrées désertiques pour décor. Comme dans les grands westerns, elles ramènent aux origines, à ce qu'il y a de plus primitif et vierge, créant une atmosphère fascinante et terrifiante, permettant de contempler l'infini, et de faire appel à l'élément de la terre, très cher à Travis, en quête de ses racines. Ce choix renforce l'aspect allégorique du film, utilisant la distance pour séparer les cœurs, les kilomètres n'étant que de vulgaires chiffres à côté de la puissance des sentiments. L'impossibilité du dialogue atteint son paroxysme lors de la rencontre finale, superbement mise en scène et émotionnellement puissante, offrant un sentiment de douleur puis de délivrance et de devoir accompli. Travis devait retrouver son chemin et réparer ses erreurs, mais cela devait passer par le sacrifice de l'absence, le renoncement, et la poursuite de cette route inlassable.


Peut-être que, personnellement, je suis plus sensible aux lenteurs tarkovskiennes, toutefois, cela ne m'a pas empêché d'apprécier ce Paris, Texas qui représente ce que j'aime voir au cinéma : un moment de contemplation et d'émotion pures qui laissent notre imaginaire voguer dans l'immensité. Il est bon, parfois, de prendre le temps et de se laisser séduire par une beauté brute et poétique, qui saura toucher au cœur et faire prendre conscience.

JKDZ29
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le 2 févr. 2018

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