On se rappelle de lui, errant dans le désert, reconnaissable à sa casquette rouge.


Son frère, le retrouve, mais il ne peut parler. Il ne veut pas parler. C’est bien trop difficile, de parler. Il est comme traumatisé. Bientôt il découvrira que son fils est élevé par la famille de ce frère. Douloureux ? Cette famille est bien trop bienveillante pour inspirer quelconque douleur à notre étranger. Douloureux peut-être pour ce petit garçon aux allures précoces, qui se questionne, qui est réellement son père ? Celui qui l’a élevé, ou bien celui qui est l'auteur de sa présence sur terre ? C’est alors que quelque chose se débloque, ce fils à deux pères se sent naturellement et nécessairement porté vers celui qui l’a créé. Complicité, mystère, et espoir s’instaurent dans le film, comme une atmosphère apaisante, qui fait qu’on a besoin de le revoir parfois. Ils vont partir à la recherche de sa mère, qui est l’amour déchu du père. Une passion antérieure, toujours aussi vive malgré le temps écoulé. Bien qu’il ne l’ait revue, depuis, qu’en pensées. Les souvenirs peuvent parfois devenir un état d’esprit, donner un goût amer au présent et dénaturer les jours à venir. Cruelle nostalgie. Triste histoire qui n'a jamais connu de fin.


Les images du film marquent, d'ailleurs. Des décors de la vie quotidienne, souvent ponctués d’une touche de couleur vive, la casquette rouge en est un exemple. Des décors chaleureux, au couleurs nostalgiques, aux allures réconfortantes.


Ils retrouvent enfin la mystérieuse mère. Elle travaille comme pute. Mais elle ne couche pas, non. Elle est intouchable. Dans une pièce où le client peut la voir, mais où elle ne peut pas voir le client, elle l’écoute et répond à ses demandes. Un lieu ou le client vient s’imbiber de fantasmes, de ces belles et malléables créatures qu’il observe, caché.
Bientôt, un énième client viendra observer cette femme, il s’agit de Travis. Un des moments les plus émouvants que j'ai pu vivre au cinéma. Jane ne le reconnait pas, elle ne reconnait pas sa voix, mais on sait déjà pourquoi Travis l’aime autant, sa douceur, son rire nerveux, son visage et son allure angélique. Elle apparait comme une erreur dans ce lieu malsain, comme une exception, tant la pureté qui émane d'elle ne peut s'apparenter au péché.


Bientôt il revient, pour lui révéler son identité. Pas de manière abrupte. Non. Il nous révèle, petit à petit, la source de son traumatisme, il nous dévoile sa sensibilité et combien il a souffert. Elle finit par le reconnaitre. Par reconnaitre ce vécu qu'ils ont en commun. Un magnifique plan se fait alors : elle, qui essaye de le voir à travers le miroir, vu de la cabine du client. Sa tête se fond sur celle de Travis. Ils semblent alors ne former qu’un, à l’image de l’amour que Travis lui porte. Un amour pur, traumatisant, et dont la flamme ne s'éteindra jamais. Des larmes salées viennent brûler leurs joues, comment on t-il pu en arriver là ? Qu'ont t-ils fait de leur vie ? De leur amour ? Maintenant qu'ils ont le recul nécessaire, n'ont ils pas envie de revenir en arrière, et d'appliquer leur maturité à ce qui s'est passé, pour que cela prenne un tout autre tournant ? Les choix qu'on a faits auparavant, n'aurions nous pas envie de les changer, en constatant l'effet qu'ils ont eu sur notre présent, et l'effet qu'auraient pu en avoir d'autres ?


L’amour ne renaîtra pas, ce qu’il adviendra de Travis, ça n’a jamais été le but du film. Tout se portait et se dirigeait pour vers ces éprouvantes retrouvailles. Vers cette insoutenable évocation du passé. Et vers son acceptation. L'aime t-elle encore ? Est-elle satisfaite de sa vie ?...Il n'est plus question de ça.


Elle retrouve son fils.
Et l’histoire des deux amants se clôt.

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le 7 nov. 2017

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Emma Lamy

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