Aldrich continue à décortiquer la noirceur de l'âme humaine qu'il regarde toujours avec un certain cynisme, à travers un étonnant film de gangsters.
Film totalement fou, porté par une liberté de ton qui caractérise le Nouvel Hollywood, et les années 70, le genre abordé y est complètement déstructuré et dynamité. On pense autant à Bonnie & Clyde qu'à massacre à la tronçonneuse. Ainsi, si la trame de base, un vol de bijoux qui se transforme en kidnapping et demande de rançon, peut évoquer les films inscrits dans la temporalité de cette histoire, les années 30, durant la prohibition, le regard que le cinéaste pose sur les personnages et les faits s'en éloignent complètement.
Mise en parallèle et opposition de deux classes sociales qui tendent vers un même point de déshumanisation et de cruauté : classes bourgeoises et rebuts de la société. Le cinéaste allant à filmer de façon presque plus cynique le personnage du père dont la fille a été kidnappée que le gang Grimsom, avec à leur tête une bloody mama castratrice. L'atrocité de leurs agissements étant vue sous un prisme grotesque et presque compatissant.
D'une violence juste hallucinante, presque cartoonesque parfois dans son outrance appuyée ce qui la rend autant fascinante que dérangeante, le film laisse percer sous sa sueur, sa crasse et sa noirceur un romantisme singulier. Dans cette opposition entre deux mondes, un lien contrasté va se tisser entre le fils Grimsom un peu attardé et la jeune victime. Cette dernière, d'abord révulsée, va rentrer dans le jeu de cet amoureux pour bénéficier d'une situation de séquestration plus « vivable », jusqu'à éprouver un sentiment amoureux que l'on imaginerait impossible. C'est l'union impossible et presque touchante de deux individualités qui touchent un sentiment qu'ils n'avaient jusqu'alors jamais eu l'occasion de ressentir, étouffés par leur univers respectif déshumanisé et castrateur.
Film asphyxiant, la mise en scène baroque enfermant ses personnages dans des cadres clos de plus en plus refermés sur eux-mêmes, encore une fois la maison des Grimsom à une grande importance dans la dramaturgie (comme c'était le cas dans Baby Jane ou Charlotte). Le cadre spatial rejoint ainsi le cadre social. On est dans les années 70 et on cherche à fuir, un système, une situation spatiale, sociale ou humaine, on cherche la clarté, la liberté. Ici, si cette accession semble le temps d'une séquence possible, la fenêtre se referme rapidement, laissant dans la bouche un pessimisme au goût amer.
Teklow13
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le 13 févr. 2012

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