Pas vu pas pris
7.5
Pas vu pas pris

Documentaire de Pierre Carles (1998)

"Avec des gens de mauvaise foi, il faut être de mauvaise foi."

L'origine de Pas vu pas pris est un documentaire intitulé Pas vu à la télé commandé par Canal + à Pierre Carles.
L'idée de l'émission part d'une conversation privée de 8min entre François Léotard, alors ministre de la défense (et frère de l'acteur Philippe Léotard) et d'Etienne Mougeotte à ce moment là directeur des programmes de TF1.
Cette conversation fut enregistrée avant une transmission en direct d'un journal télé et si vous avez vu L'aile ou la cuisse, cela ne peut que vous y faire penser.

La vidéo ne fut jamais diffusée mais une copie pirate circulera et tombera dans les mains du réalisateur, Pierre Carles. Le Canard Enchainé reprendra l'affaire, suivi par Libération.
Peu après, Carles est contacté par Canal + pour faire une émission sur la relation entre la télé, le pouvoir et la morale, il n'y a qu'un pas avant de se servir de cet enregistrement comme point de départ. Mais Canal ne souhaite pas diffuser ce reportage, Pas vu à la télé.
Enregistreur de téléphone, façon Watergate et caméra en main, Pierre Carles enquête sur le pourquoi. C'est là que démarre Pas vu, pas pris...

L'enregistrement pirate en lui-même n'est que peu intéressant, tout le monde sera d'accord là-dessus sauf Hector Obalk (voir plus bas). Ce qui est intéressant c'est l'idée d'un débat, lancée par Carles, sur les connivences - entendez ententes secrètes - entre les médias et la politique. En effet Léotard et Mougeotte se parlent copains comme cochons.

Canal + a, souvent, la bonne réputation de chaine indépendante avec des journalistes et humoristes qui osent. Et bien on prouve ici que comme tout, Canal a ses limites.
Les reproches que je pourrais faire au documentaire c'est le côté un peu trop Michael Moore que peut avoir Pierre Carles mais d'un autre côté je lui mets plus de confiance qu'en Moore - ce qui n'est pas difficile - et de toute façon cela correspond bien à une définition que j'ai pu entendre en classe parlant d'un traitement créatif de la réalité en ce qui concerne le documentaire. L'aspect créatif de Carles, si il est parfois lourd, vaut le détour. Il ose, il apprend et nous fait apprendre sans la moindre prétention.

Les techniques de Pierre Carles sont critiquables, certes mais honnêtes envers le spectateur car déclarées, c'est bien là l'essentiel. Il n'utilise que des manières courantes que ces journalistes acceptent habituellement, moins quand ces techniques les visent.
Il est génial de voir combien le sujet de Carles se transforme par la participation même des interrogés en ce qu'eux-mêmes qualifient de bombe. Pour un point de départ futile, la façon de répondre des journalistes veut tout dire.

Une personne en particulier ne se cache pas de critiquer le documentaire de Pierre Carles et ses pratiques, son principal collaborateur sur ce projet, Hector Obalk. Les deux hommes sont (étaient ?) amis, c'est ce dernier qui interview Charles Villeneuve. Pour lui Carles ment à chaque fois qu'il parle du Canard Enchainé, il s'en sert comme couverture. Les informations dites en off par Léotard et Mougeotte sont redites durant le journal diffusé peu après et n'annoncent que des choses que tout le monde sait, le Canard Enchainé a reconnu ce qu'il appellerait une erreur - d'avoir grossi les faits - et le déclare à Pierre Carles lors de son interview... qu'on ne retrouve pas dans le documentaire.

Pierre Carles s'en défend en disant ne jamais avoir prétendu que les informations dites par Mougeotte et Léotard étaient importantes, c'est la réaction des médias qui est étonnante.

Pas vu pas pris ne fut jamais diffusé en France mais a eu droit à une sortie en salle. En fait la seule diffusion télé sera sur la chaine belge RTBF, à une émission qui s'intitulait Hebdo et qui est aujourd'hui Question à la une.

On retrouve les propos des deux "protagonistes" dans un article datant de novembre 1998 de Libération qui va conclure de la façon suivante :

"Peut-on appliquer à Pas vu pas pris des critères journalistiques (comme s'il s'agissait d'un reportage télé classique) alors que son auteur revendique un film subjectif, qui utilise la tricherie (être malhonnête avec des gens malhonnêtes) pour faire jaillir une vérité? C'est une bonne question, on remercie Carles de l'avoir posée."
cinewater
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le 4 janv. 2012

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Ciné Water

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