Source : http://shin.over-blog.org/passager-57.html


Après ses apparitions remarquées dans le mythique clip Bad de Michael Jackson (réalisé par Martin Scorsese) ou encore le formidable The King of New-York de Abel Ferrara (avec Christopher Walken en tête d'affiche), Wesley Snipes enchaîne les drames sociaux pour Spike Lee (Mo'Better Blues, Jungle Fever), incarne un impitoyable chef de gang pour Mario Van Peebles (New Jack City, avec ce doublage improbable de Ice-T assuré par un certain JoeyStarr) et fait même petite une incursion dans le registre de la comédie sportive grâce à Ron Shelton (l'attachant Les Blancs ne savent pas sauter où il partage alors l'affiche avec un tout jeune Woody Harrelson). Passager 57 marque toutefois un tournant symbolique dans sa carrière puisqu'il s'agit du premier film d'action d'importance pour celui qui deviendra rapidement l'une des icônes des 1990's les plus emblématiques du genre (avec des films comme L'Extrême limite, Soleil Levant, Demolition Man, Drop Zone, Money Train, Meurtre à la Maison-Blanche, U.S. Marshals et bien entendu le cultissime Blade). L'acteur incarne donc ici un certain John Cutter, expert en sécurité aérienne et passager numéro 57 d'un avion pris en otage par le dangereux criminel récemment évadé Charles Rane. Sorti au tout début des années 1990, Passager 57 est l'un de ces nombreux "Die Hard movies" lancés suite au succès du phénoménal Piège de Cristal du grand John McTiernan.


Bien avant le bateau de Piège en haute mer, le stade de Mort Subite ou la montagne de Cliffhanger, et quelques semaines après le quartier résidentiel de La Prise de Beverly Hills, Kevin Hooks dirige donc le futur diurnambule dans un petit film d'action très rythmé où les punchlines bien senties (« Mettez-vous à ma place, qu'est-ce que vous feriez ? » « J'me flinguerais ! ») s'enchaînent aussi rapidement que les coups de pied latéraux dans la tronche. Très prolifique à la télévision (21 Jump Street, New York Police Blues, Dragnet, Prison Break), le réalisateur de Passager 57 est un efficace technicien qui s'illustrera aussi par la suite en réalisant le très sympathique Black Dog (avec Patrick Swayze en routier dur à cuir). Si sa mise en scène ne propose rien de réellement innovant dans le genre, l'action y demeure très lisible (un minimum que certains tâcherons ne parviennent même pas à assurer) et, qui plus est, les combats au corps au corps impliquant Wesley Snipes mettent parfaitement en valeur les compétences martiales de l'acteur (ceinture noire de Karaté, en plus d'être un remarquable pratiquant de Capoeira). Véritable attraction du long-métrage, Wesley Snipes se révèle impeccable en héros badass à qui on ne la fait pas – même si on aurait sans doute apprécié que, tel John McClane auquel il doit tant, il en bave un peu plus (la résolution de l'intrigue semblant un tantinet trop facile) – et démontre déjà l'évident charisme dont il fait preuve. John Cutter demeure un héros typique de l'époque, au passé tourmenté, se sentant responsable de la mort de sa femme (on pense à Mel Gibson dans L'Arme Fatale), et qui ne semble prendre son pied qu'à travers son job pour lequel il déploie parfois des trésors d'ingéniosité (le passage où il simule la peur pour griller les méchants est carrément fendard !). Détail amusant : on peut voir son personnage feuilleter un exemplaire du fameux Art de la guerre de Sun-Tzu ; traité de stratégie militaire qui donnera son nom (amusante coïncidence) à un excellent film Christian Duguay mettant justement en scène... Wesley Snipes.



« Tu aimes jouer la roulette ? Un petit tuyau : parie toujours sur le noir ! »



Face à lui, Bruce Payne (révélé par Michael Mann dans La Forteresse Noire) campe un méchant complétement désaxé (on apprendra qu'il a tué son violent paternel à l'âge de quinze ans) assez mémorable. L'acteur possède vraiment la gueule de l'emploi idéale – quelque part entre Christopher Walken, Julian Sands et Arnold Vosloo – pour incarner cet impitoyable sociopathe au regard inquiétant (sa fameuse anaphore « Qui commande ? ») et n'a sans doute pas eu la carrière qu'il méritait (finir dans l'adaptation désastreuse du jeu Donjons & Dragons, c'est quand même assez moche). À la fois pervers sadique qui aime à torturer psychologiquement ses futures victimes en les faisant parler de leur famille ou en leur sortant des répliques salaces savoureuses (« Le héros du jour a-t-il glissé son anchois dans votre boîte ? »), et fin manipulateur qui parvient à semer rapidement le trouble dans l'esprit de ses ennemis (le personnage de Wesley Snipes en fera d'ailleurs les frais), Charles Rane est l'antagoniste parfait de l'héroïque John Cutter (mention spéciale à la scène où il s'amuse à effrayer un gamin jouant les shérifs). La présentation des deux personnages présente d'ailleurs des similitudes assez frappantes puisqu'elle utilisera à chaque fois la technique de faux-semblant ; qu'il s'agisse d'une opération de chirurgie esthétique piégée ou d'une prise d'otage simulée. À leurs côtés, on retrouve une distribution des plus sympathiques où se côtoient Bruce Greenwood (récemment vu en Capitaine Pike dans le Star Trek de J.J. Abrams), Michael Horse (acteur amérindien dont le physique atypique fit le bonheur des fans de la série Twin Peaks), la toute jeune Elizabeth Hurley (inoubliable Vanessa Kensington dans le très parodique Austin Powers) ou encore l''un des seconds rôles les plus savoureux du cinéma, Tom Sizemore (Point Break, True Romance, Tueurs nés, Heat, Il faut sauver le Soldat Ryan, Ennemi d'État, La Chute du Faucon Noir), qui incarne ici le fameux Sylvestre Delvecchio (« D-E-L... vecchio ! »).


Écrit par Dan Gordon et David Loughery (qui signera aussi le scénario de Money Train, dans lequel Wesley Snipes retrouvera Woody Harrelson), Passager 57 se révèle donc être un très sympathique petit film d'action possédant ce qu'il faut de castagne, de dialogues percutants (la VF est excellente, surtout celle de Jacques Martial qui doublera à nouveau Wesley Snipes dans Soleil Levant et le génial Demolition Man) et de séquences WhatTheFuck faisant tout le charme de ce type de productions (le fameux passage du train d'atterrissage). Composée par la légende du jazz-rock Stanley Clarke – qui collabora notamment avec Keith Richards, Stan Getz, Al Jarreau, et œuvra aussi sur le fameux Boyz N The Hood de John Singleton – et elle-aussi typique des 1990's avec son saxo et ses lignes de guitare électrique, la bande-originale fera également la joie des nostalgiques d'un certain cinéma d'action à la cool qui évitait de trop se prendre au sérieux. Au final, préfigurant de quelques années des films comme Ultime Décision (avec Steven Seagal et Kurt Russell) et Air Force One (avec Harrison Ford et Gary Oldman), Passager 57 est donc peut-être bien ce produit surfant sans grande originalité sur le schéma imposé par Piège de Cristal (jusqu'à dans l'exécution même du "boss de fin"), mais il remplit parfaitement son rôle ; divertissant sans peine (et sans aucun temps mort) durant sa petite 1h20. Ce qui est déjà beaucoup plus que bon nombre de productions récentes du genre...

Shinémathèque
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le 16 févr. 2015

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