Projet mûri par Jim Jarmusch pendant plus de vingt ans, Paterson est une oeuvre déroutante à plus d'un titre et qui m'a laissé le cul entre deux chaises.


En effet, il y a deux films en un dans Paterson : d'abord un film à sketch (l'utilisation du procédé old-school de la fondue au noir pour marquer la séparation entre les scènes renforce cette impression) assez irrésistible porté par des dialogues aux petits oignons et une galerie de personnages criants de vérité. C'est d'ailleurs là, une des grandes forces du film qui à l'instar des précédents essais de son réalisateur, arrive à donner de la substance à tout les protagonistes y compris aux plus secondaires (on pense notamment aux apparitions mémorables de la gamine poète ou de Method Man dans une laverie). Le dessein de Jarmusch est alors évident : capter la poésie qui émane des situations du quotidien en suivant la semaine de son héros chauffeur de bus.
La poésie, thème central du métrage fait l'objet d'une belle mise en abîme (le héros féru de poésie s'appelle Paterson et vit à Paterson dans le New Jersey, terre de naissance et / ou d'inspiration de quelque uns de plus grands poètes américains) mais est aussi à l'origine de ses aspects les moins plaisants.


Ainsi, Paterson est un film " auteurisant " au sens négatif du terme, caractérisé par un rythme très lent, de longs plans contemplatifs et quelques lignes de dialogue cryptiques. A ce titre, certaines références resteront incompréhensibles pour les profanes (tout le monde n'a pas lu Alan Ginsberg et William Carlos Williams...) ce qui sert une forme d'élitisme intellectuel assez malvenue.
De plus, on a du mal à voir où Jarmusch veut en venir au final car ses personnages, aussi attachants et bien interprétés soient-ils (Adam Driver et la sublimissime Goldsifteh Farahani sont formidables), semblent figés dans le temps et n'évoluent pas vraiment. Tout juste comprend t-on qu'il s'agit pour le héros de dépasser ses complexes et de s'accepter en tant qu'artiste.


Paterson m'a ému et fait rire mais Paterson m'a aussi ennuyé et un peu agacé de part son hermétisme. L'expérience est plaisante et certains y verront certainement un chef d'oeuvre mais de mon point de vue, Dead Man, Ghost Dog et Broken Flowers restent pour l'instant des sommets inégalés dans la filmographie de Jarmusch.

Diego290288
6
Écrit par

Créée

le 26 déc. 2016

Critique lue 1.1K fois

2 j'aime

Diego290288

Écrit par

Critique lue 1.1K fois

2

D'autres avis sur Paterson

Paterson
Velvetman
9

Twin Peaks

Après Détroit et les sorties nocturnes d’Only Lovers Left Alive, Jim Jarmusch déplace de nouveau son cinéma dans une ville en friche où la lisière se révèle étroite entre les briques en ruine et le...

le 24 déc. 2016

143 j'aime

5

Paterson
Mil-Feux
8

Water Falls - hymne à la vie

Avis à celleux qui "respirent la poésie" et l'admirent, Jim Jarmusch est revenu pour nous faire rêver. Paterson s'ouvre sur l'étreinte profonde et silencieuse d'un homme et d'une femme dans leur...

le 22 déc. 2016

126 j'aime

32

Paterson
Sergent_Pepper
7

Le cercle des poètes disparates

Lorsqu’un poème est écrit en prose ou en vers libre, il perd instantanément la faculté d’immédiate séduction qu’avait son prédécesseur en vers : la rime, le rythme, musique et cadence de la forme...

le 3 janv. 2017

102 j'aime

11

Du même critique

Jason Bourne
Diego290288
5

L'épisode de trop...

Après une première trilogie cohérente et globalement réussie (on oubliera volontairement le spin-off raté avec Jeremy Renner...), on pensait que le duo Damon / Greengrass volerait vers d'autres...

le 10 août 2016

39 j'aime

6

L'Interview qui tue !
Diego290288
6

THEY HATE US CUZ THEY AIN'T US !

On ne va pas revenir sur tout le cirque politico-médiatique engendré par The Interview car n'en déplaise aux naïfs qui y voient une violente charge politique et aux hipsters qui dénonceront une...

le 25 déc. 2014

36 j'aime

3

Ghost in the Shell
Diego290288
3

EMPTY SHELL

Il est très difficile pour moi d'être objectif concernant Ghost in The Shell sachant que les films de Mamoru Oshii et la formidable série Stand Alone Complex ont été de véritables traumatismes geek...

le 29 mars 2017

35 j'aime

2