Paterson est un film où il ne se passe rien, donc en somme il se passe tout.
Paterson c'est le nom de la ville où Paterson officie comme conducteur de bus. Accessoirement Paterson (le conducteur, pas la ville) est poète à ses heures perdues. Or Paterson (la ville) dispose d'une forte concentration de poètes et artistes qui y ont passé pas mal de moments de leur vie. Il y a aussi accessoirement la plus forte concentration de jumeaux de toute l'Amérique.


Il ne se passe rien et tout parce que Paterson (le film) est une ôde au quotidien, aux petits riens qui font tout le sel de l'existence. Oui, dis comme ça, ça ne veut rien dire. Mais en même temps ça veut tout dire. Surtout qu'il faut prendre le temps de se laisser porter par le film. Si vous n'aimez pas maintenant c'est pas grave, revenez-y plus tard. Quelque part il y aura toujours quelque chose qui résonnera là dedans avec votre propre vie. Si ce n'est tout le film, ce sera une scène ou deux. C'est tout et pourtant c'est déjà grand.


Ce fut pour ma part ce cahier où Paterson (le personnage) couche méthodiquement chaque matin avant de démarrer son bus, ces petits poèmes qui ne riment pas forcément et se veulent le plus coller à des impressions, des sentiments, du ressenti. Je dessine beaucoup, je note énormément de choses. Dans des cahiers multiples, grands, petits, reliés ou non. Donc je comprends tout à fait le sentiment qui parcourt le personnage vis à vis de cette possession très personnelle, une extension de lui-même, lui qui n'a aucun téléphone portable et n'utilise aucunement d'ordinateur au contraire de sa compagne (la sublime Golshifteh Farahani), plus "high tech" que lui, plus exubérante et extraverti que lui-même aussi. Un rôle donc très intériorisé pour Adam Driver qui s'en sort à merveille. On citera aussi Marvin, bouledogue névrotique, colérique et grognon, possible vrai héros du film.


A l'instar de "Everything will be fine", ce sont les petits riens qui font la vie. Dans le film de Wenders, on partait du postulat d'un traumatisme pour assister à une lente reconstruction qui s'étalait sur plusieurs années avec des ellipses et petits instants découlant d'une cause devenue de plus en plus souterraine. Ici, l'on vie au jour le jour, on savoure l'éphémère. Jarmusch comme Wenders fait du film-haïku, du petit poème cinématographique. On pourra se laisser tenter ou non suivant sa sensibilité. Mais en admettant qu'on fasse le voyage je ne pense pas qu'on ne sera pas trop déçu.

Nio_Lynes
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le 31 janv. 2017

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Nio_Lynes

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