Paterson, litéralement fils de Patrick, prénom qui tire son origine des patriciens, les hommes nobles de l'empire romain.
"Un homme noble", avec une définition étirée aux codes d'ajourd'hui, convient bien au personnage principal.


Paterson est également le nom de la ville ce qui fait référence au concept de dualité homme/ville développé par le poète emblématique de la ville et du personnage principal, William Carlos Williams.


La quotidienneté a beaucoup été filmée, ça se résume souvent en un enchaînement rapide de plan qui se répète produisant un effet très ryhtmé et humouristique en 30 secondes maximum. Le spectateur comprend aisément le message mais ne le vit pas.


Comment en faire le sujet central d'un film de 2h, on faisant ressentir et vivre cette quotidienneté sans ennuyer le spectateur ?
Jim Jarmush était l'homme de la situation est a remarquablement réussi sans faire appel à des artifices faciles.


La poésie du personnage principal interroge. Notre esprit formaté par le cinéma comprend de suite le génie incompris et inaccomplis voué à un destin incroyable.
Quand les premiers vers du héros nous viennent à l'écran, on se demande si c'est de la vraie poésie ou pas, si c'est un génie ou pas. Pas de rimes, une écriture très factuelle.
Ce juste dosage permet de s'interroger puis de comprendre que ces interrogations n'ont pas de sens, que ces interrogations ne sont que la preuve que nous avons besoin d'éléments extérieurs
pour valider ce qu'on doit en penser. Il nous reste plus qu'à apprécier la douceur de cette poésie et y déceler le sens qui nous convient derrière cette apparente factualité.


Le cycle répétitif est saupoudré de petites et progressives accentuations de gestes ou actions effectuées chaque jour. Le baisé timide du matin devient un calin plus langoureux tout en respectant la pudeur qui caractérise le couple.
Le "home staging" à motif unique de Laura semble devenir obsessionnel mais nous sommes, encore une fois, pris à contre pied car même dans l'abus, le résultat reste correct alors qu'un résultat complètement raté aurait eu un effet comique. Mais ce n'est pas le film.
Le dosage est parfait.


Cette dernière fait un caprice pour avoir une guitare dans le but de devenir une chanteuse country. Là on se dit, c'est sûr, le résultat, s'il y en a un, sera calamiteux. Mais non, sans être dans la justesse, sa représentation était touchante et méritait peut être l'achat de la guitare.
Dosage parfait.


La vie réglée du personnage n'est perturbée que par des incidents plus ou moins mineurs mais qui influent sur sa psychologie, toujours dans la mesure, toujours réaliste.
L'incident le plus extraordinaire provient de la fausse tentative de suicide d'un personnage délaissé par l'amour de sa vie. Paterson, ancien militaire, parvient à le désarmer avant de s'apercevoir qu'il s'agissait d'un jouet. J'aurai aimé que cet acte héroïque soit encore une fois incertain. Il est évident que l'acte était héroïque.
Bon dosage.


Le chien détruit le carnet de note de Paterson suite à un petit dérèglement des habitudes. On ne sait pas trop quoi en penser, on sait que c'est important pour le personnage qui se questionne sur la réelle portée du drame, tout comme nous.


Jim Jarmush a réussi à faire de la monotonie quelque chose de beau, d'enviable, de poétique et parfois transcendante. Belle prouesse.

TitoCasalibre
8
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le 1 juin 2020

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Tito Casalibre

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