Parce qu'une histoire naît de petits riens

Le pitch de cet homme appelé Paterson travaillant comme chauffeur de bus à Paterson, ville du New Jersey pouvait prêter à sourire. Or Jim Jarmusch a toujours été ainsi, s'en est amusé, et a prouvé que ses cinématographies sont loin d'être des objets gratuits et insipides. Ce que j'aime ici, c'est le découpage sur une semaine de la vie d'un Américain pas si moyen que ça ( son boulot alimentaire de chauffeur de bus lui laisse du temps d'entretenir sa passion pour la poésie et les mots) autour de son couple, de son travail et de ses proches du bar local. L'intérêt est de montrer qu'une vie avec ses rituels bien installés (le réveil vers 6h15, la discussion du couple au diner du soir ou la ballade de Marvin -chien fabuleux-) n'est pourtant pas morne et aussi énervante que celle de Bill Murray dans un Jour sans Fin. Jarmusch confirme encore son attrait pour la pleine conscience de l'ordinaire qui peut s'avérer surprenant et beau parfois. Je craignais la lenteur atroce qui m'a fait arrêter certains de ses films en route et ai été cueilli par cette consistance bienvenue.
J'aime aussi Laura, la compagne de Paterson, qui décline non pas son potentiel créatif dans l'écriture comme son copain mais dans la décoration, la cuisine (la reine des Cupcakes de Paterson) et un début d'envie pour la musique qu'elle veut savoir jouer. Paterson apprécie sa recherche, ses envies créatives qu'il connaît si bien même si tout comme elle, il préserve son eldorado de compétences personnelles. Un couple assez proche et différent à la fois mais où la liberté de l'autre compte énormément. Le fait que Laura avoue son rêve sur des jumeaux qu'elle pourrait avoir avec lui, créera aussi un fil rouge sur le film assez croustillant et permettant de jauger les pensées de Paterson du moment.
J'aurais pu penser également que Jarmusch se positionne sur un film essentiellement visuel et peu bavard et ici on apprécie vraiment les conversations entre tous ces gens intimes ou de passage pour graver leurs présences sur l'instant et le rendre à la fois drôle, décalé mais aussi ironique.
Pour ce qui est de l'identité même de Paterson, les gens qui aiment écrire et le ressentent comme un besoin, trouveront d'autant plus dans le film une caisse de résonance. Les discussions de Paterson avec la petite fille qui écrit des poèmes où le Japonais de passage à Paterson pour se faire une idée de l'environnement de l'auteur de prédilection qu'il a avec le jeune chauffeur de bus, sont des moments de partages habités sous une certaine réserve apparente. Un film très sensible,à la palette émotionnelle riche et loin des standards d'un cinéma trop populaire. Si vous aimez tout cela, songez à voir Paterson (le film).

Specliseur
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le 8 janv. 2017

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