Après une belle période cinématographique avec des sorties stimulantes, nous entrons dans une ère peu enthousiasmante. C'est l'occasion de se faire des séances de rattrapage. Après l'oubliable Trainspotting 2, place à Patients. N'étant pas un fan de Grand Corps Malade et du slam en général, j'étais un peu réticent face à son premier film coréalisé avec Mehdi Idir. Les avis étant positifs à son sujet et le gars semblant être sympathique, autant me faire mon propre avis.


On va passer un an dans la vie de Benjamin (Pablo Pauly), au sein d'un centre de rééducation après un accident stupide le rendant tétraplégique. L'histoire est bien évidemment autobiographique, puisqu'il s'agit de Grand Corps Malade adaptant son propre roman avec Fadette Drouard. Il a eu l'intelligence de ne pas se lancer seul dans cette aventure, en s'entourant de proches derrière la caméra et au scénario, est-ce pour cela que le film ne donne pas l'impression d'être une première oeuvre, ou c'est dû au fait que cela parle de lui? Finalement, peu importe, tant on passe un vrai bon moment en compagnie de ces personnages attachants.


"A qui est le tétra?" cette interrogation de la part d'un membre des services hospitaliers est des plus violente. On avait commencé le film avec le sourire, mais on nous calme rapidement. Fort heureusement, ce n'est pas le ton du film qui va éviter de verser dans le pathos. C'est un feel-good movie, souvent drôle et parfois émouvant. D'ailleurs, on a pu constater une petite larme au coin de l’œil et un poing serré d'énervement. Le film procure diverses émotions et va même nous permettre de bouger la tête grâce à des sons de Lunatic, Bob Marley, Nas, The Roots, Arsenik et NTM. Nous sommes bien dans les années 90, en plein âge d'or du rap avec une note de reggae. C'est aussi l'époque des marques Com8, Lacoste, Ellesse, Fila ou Adidas. Bref, des trucs que tu tentes d'oublier en brûlant toutes les photos ou tu apparais dans cet accoutrement d'un autre temps. Ce petit brin de nostalgie est à l'image du film, agréable. Dans ces moments-là, le film prend une forme clipesque restant dans le ton de l'histoire en évitant les effets tape à l’œil.


L'ironie sert d'échappatoire à Benjamin. C'est sa façon d'être, il manie l'ironie avec facilité et va s'en servir pour ne pas sombrer dans la déprime. Il va même trouver du plaisir devant M6 Boutique, c'est dire la force de caractère de ce jeune homme. On ne doit pas oublier que nous sommes en présence d'adolescents, se retrouvant handicapés et enfermés dans ce centre. Ils sont comme dans une prison, même s'ils peuvent circuler librement, ils sont limités par leurs corps accidentés. Ils roulent entre ces murs, en tuant les heures grâce à leurs imaginations. L'esprit prend le pas sur le physique, tout en acceptant leurs conditions, ou pas. La perte de dignité est difficile à vivre, comme celle de leurs rêves d'adolescents. L'amitié et l'amour servent de moteurs pour ne pas s'effondrer, mais c'est encore plus simple quand le corps reprend progressivement le dessus, ce qui n'est pas le cas pour chacun d'entre-eux. Les vannes fusent, souvent en se moquant d'eux-mêmes, mais parfois elles font mal. Ce n'est pas évident d'encaisser tout les jours le regard et les réflexions des autres, même des siens.


Pablo Pauly est impeccable. Il attire la sympathie et provoque rapidement notre empathie. On souffre face à la rudesse des employés envers son corps, de la difficulté de sa mère (Florence Muller) à communiquer avec lui, de son impossibilité à rejouer au basket, de supporter un voisin de chambre fan de motos et de subir la lourdeur de Jean-Marie (Alban Ivanov). On apprécie son ironie, ses amis Farid (Soufiane Guerrab) et Toussaint (Moussa Mansaly), son kiné François (Yannick Renier), l'amnésique Samir (Samir El Bidadi) et sa romance avec Samia (Nailia Harzoune). Le sujet était difficile, mais il est traité avec sincérité.


C'est une réussite, surtout pour un premier film. On passe un bon moment de cinéma en compagnie de ces jeunes gens et on sera ravi d'entendre le son d'une voix pour conclure tendrement une oeuvre qui n'en manque pas.

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le 22 mars 2017

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Laurent Doe

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