Mel Gibson laisse au vestiaire son humour pince-sans-rire le temps d'un premier film réalisé par Brian Helgeland, jeune prodige hollywoodien.
Repéré au générique de «L.A. Confidential» par les cinéphile, Brian Helgeland surprend tout le monde par sa brillante première mise en scène. Il plonge Mel Gibson dans un polar à la fois, noir, brutal et humoristique qui n'est autre que l'adaptation du roman dont avait déjà été tiré l'excellent «Point de non retour» de John Boorman.
Porter (Mel Gibson) revient se venger après avoir été lâchement trahi par sa femme Lynn (Deborah Kara Unger) et son complice Val (Gregg Henry) qui l'ont laissé pour mort dans la rue, après un hold-up foireux. Cette attaque contre la maffia chinoise devait uniquement servir de tremplin à Val pour qu'il puisse enfin accéder au syndicat du crime. Porter sort indemne de ce fiasco avec une hargne vengeresse sans égal. Il a à peine retrouver une Lynn droguée à mort grâce à l'empressement de Val, qu'elle lui claque littéralement entre les doigts. Voilà pour le synopsis. Le reste du film réserve quelques surprises qu'il serait superflu de dévoiler ici. Revenons plutôt au plaisir que procure «Pay Back» et au moyens que s'est donnés Brian Helgeland pour réussir son premier opus cinématographique.
Bien que «Pay Back» soit sa première réalisation, Helgeland avait déjà marqué le Septième Art en adaptant l'infilmable «L.A. Confidential» de James Ellroy pour Curtis Hanson. Là, il reste dans le polar pur et dur et s'amuse à le béatifier en restant critique par rapport au genre. D'accord, «Pay Back» est un film noir, mais il touche aussi à la comédie, à la tragédie et à l'action. Helgeland passe d'un style à l'autre sans crier gare. Il peut nous faire littéralement pleurer grâce aux retrouvailles de Porter et Lynn, puis nous faire mourir de rire en dépeignant une maffia théâtrale et ridicule et enfin nous époustoufler avec une scène estomachante. Pour ce faire, il fait appel à deux vieux briscards de Hollywood : Kris Kristoferson et James Coburn. Tous deux sont hilarants, car Helgeland leur fait jouer leurs personnages avec une distance caricaturale. Ce dont les comédiens raffolent. Et ils se régalent d'interpréter des maffieux hautains et stupides. Le cinéaste se permet même le luxe de faire oublier à Mel Gibson son humour pince-sans-rire pour en faire un personnage taciturne, dur et déterminé : Porter ne quittera pas cette planète sans se venger. Gibson s'en tire haut la main et nous offre une nouvelle facette de son talent de comédien.
Pour renforcer l'ambiance film noir de «Pay Back», Helgeland secondé par son directeur de la photographie Ericson Core, filtre son image pour qu'il n'en ressorte que le vert ou le bleu, un peut comme si le noir et blanc serait devenu ces deux couleurs. Cette froideur graphique contraste singulièrement avec la vivacité des personnages, qui sont tous pleins de vie, malgré leur tendance à vouloir tutoyer la mort. Cette dissonance volontaire se retrouve aussi dans les rapports entre l'image et la musique. On entend en fond des tubes planétaires dus à James Brown, BB King ou encore Dean Martin qui reprend avec le cœur léger son «Ain't that kick in the head», décidément très à la mode au cinéma puisqu'on vient de l'entendre dans l'excellent «Hors d'atteinte» de Steven Soderberg. Quand à la partition composé pour le film par Chris Boardman, elle lorgne indubitablement du côté funk. Dès les premières notes on pense automatiquement à Lalo Schiffrin, compositeur légendaire de «Bullit», «Mission : Impossible» ou encore «L'Inspecteur Harry». C'est un travail magnifique qui devient vite indissociable des images froides de «Pay Back».
RemyD
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le 23 oct. 2010

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