David MacKenzie nous plonge dans un monde en déclin où l'individualisme se décuple et les sentiments se transforment. Dans cette gigantesque bulle où chacun possède son propre univers, une maladie inexplicable s'empare des gens et fait perdre les sens un à un. Ainsi plongés dans une obscurité étouffante, auront-ils la force et le cœur pour trouver leur ultime raison de vivre ?

La singularité du film réside dans l'approche scindée en deux de cette apocalypse des sens. Les scènes s'enchaînent toujours dans le but d'approfondir les contrastes pour faire rejoindre dans une fin grandiose la petite histoire et la grande. La narration des événements qui se produisent dans le monde crée une distorsion par rapport à l'histoire d'amour du couple que l'on suit tout au long du film. Elle se concentre sur des conséquences générales, l'intervention de la narratrice servant presque de liant entre chaque séquence, mettant en perspective cette perte de contrôle qui dégringole jusqu'à la rupture totale.

Ces extraits, presque d'archives, qui viennent ponctuer le récit des personnages dénotent avec l'intimité, la chaleur humaine qui mettent en valeur ce couple uni face au climat instable de l'extérieur. Ils y sont étrangers et vivent leur émoi avec une certaine passion incandescente. Face à ce handicap grandissant et cet avenir qui décroît, eux sont plus libres que jamais. Ils existent. L'amour, les copains. L'amour.

Eva Green et Ewan McGregor s'échangent tour à tour les hystéries comme les instants de fragilité. Green arrive à sortir de sa bizarrerie naturelle pour toucher du bout des doigts une émotion sincère et palpable ; c'est rare. Elle n'est jamais aussi bonne actrice que lorsqu'elle intériorise ses sentiments. La bande-son est primordiale et ses effets immédiats, suivant notamment la perte d'ouïe des personnages pour insister sur la le manque de repères. Elle est aussi l'un des principaux vecteurs qui alimentent cette solitude des êtres abîmés. La musique adoucit la frustration ou au contraire, l'accentue lors de nombreux moments suspendus dans le temps.

Ce film est un petit oasis tant il s'accroche à l'humain et à toute la palette de ses ressentis. Il me rappelle Melancholia ou Bellflower, des œuvres qui parlent d'une fin hypothétique par le biais d'une histoire beaucoup plus intimiste. Appréhender le chaos par le prisme des sentiments humanise et nous fait réfléchir sur l'existence elle-même.

Perfect Sense n'est pas un chef d'oeuvre mais c'est indéniablement un enchantement, poétique et lumineux.
EvyNadler

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10

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