Permis de tuer succède au trop sage Tuer n’est pas jouer, qui ne changeait à part le visage de Bond rien à la routine de la saga. Cette seconde incarnation de Timothy Dalton se trouve plus sombre, épousant enfin la présence froide de son nouvel acteur.
Permis de tuer se trouve une fois de plus réalisé par John Glen, vétéran de la saga signant ici la mise en scène de son cinquième James Bond. Si le succès de Tuer n’est pas jouer aurait pu conforter le producteur Albert Broccoli et les scénaristes Michael G. Wilson et Richard Maibaum, ces derniers écrivent pour la première fois un film pensé pour leur nouvel acteur Timothy Dalton avec la volonté d’un récit plus sombre. Lâché par Maibaum durant la grève des scénaristes, Michael G. Wilson boucle le scénario original baptisé Permis annulé. Le début du tournage d’un opus qui se sert enfin de la noirceur de son acteur principal et de son personnage peut alors débuter.
Permis de tuer débute pourtant de la plus légère des manières. Bond en congés en Floride, une arrestation haute en couleurs d’un trafiquant de drogues et en toile de fond le mariage du meilleur ami de l’agent 007, l’agent de la CIA Felix Leiter et déjà une certaine noirceur pointe lors d’un bref moment où Bond s’engouffre seul dans la nuit. Lorsque l’épouse de Leiter souhaite un mariage au célèbre agent, ce dernier se contente d’un refus poli, masquant derrière un bref silence une profonde mélancolie, véritable moteur enfin exploité d’un agent assassin et solitaire.
Les noces deviennent rouges et Bond aussi , lorsque le trafiquant de drogues Franz Sanchez parvient à s’échapper, provoquant au passage le meurtre de l’épouse de Leiter et la perte de plusieurs membres de ce dernier laissés dans la gueule d’un requin. James Bond n’est alors plus l’agent 007, mais un homme ivre de vengeance qui a choisi de se la jouer en solo pour accomplir sa mission assassine. Semant nombre de cadavres sur son chemin, James Bond est seul et désemparé. Mis à nu face à un ennemi beaucoup plus puissant que lui, l’ex-agent ne pourra compter que sur une femme indic de la CIA, seul espoir pour lui de vaincre un ennemi qui a tué sa dernière part d’humanité.
Si le film ne peut s’empêcher de retomber dans ses travers notamment dans l’écriture bâclée de ses personnages féminins, en les sexualisant jusqu’à la parodie érotique, rendues ivres d’amour par le regard perçant du James Bond de Timothy Dalton, la présence glaciale et détachée de ce dernier est enfin mise au cœur de l’intrigue. Délaissé de ses gadgets et de ses sublimes véhicules, il ne restera ainsi à Bond que le mensonge et la manipulation, qu’il magnifie par sa présence vaniteuse et faussement clinquante mais véritablement brisée. Conviant hors de son laboratoire le génial Desmond Llewelyn qui fait de son Q un véritable sidekick comique, Permis de tuer n’est ainsi pas à court de belles idées pour nous décrire l’esprit torturé de son célèbre agent.
Si cette volonté d’un récit plus sombre épousant à merveille les traits de son nouvel acteur et plusieurs belles idées font ainsi de ce Permis de tuer une belle réussite, elle se retrouve cependant rattrapée par les incessantes mimiques d’une saga qui se doit d’assurer un divertissement total en ne sortant qu’un peu de sa route trop bien tracée. Permis de tuer se savoure cependant comme un écart de route fort sympathique.
Notre Focus consacré à Timothy Dalton dans la peau de James Bond par ici.
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