Avant tout : quel duo efficace que celui formé par Denner et Belmondo, deux gueules de cinéma au charisme fou qu’on retrouve dans la peau de deux flics aux méthodes iconoclastes.
Avec « peur sur la ville », film a priori banal, tous les ingrédients du bon film policier grisant (suspens, effets de surprises, courses poursuites, cascades, humour...) sont présents. Banal donc ? Non ! Côté réalisation : c’est excellent ! Non seulement pour ce qui est des fabuleuses cascades de Belmondo, d’un réalisme vertigineux et jamais égalé, mais aussi pour les effets de styles subtils, fondus dans un récit haletant.
En effet, en plus d’être complètement jouissif à force de ruses scénaristiques, le film réussit à imposer un style grâce à une mise en scène aussi riche que jubilatoire.
Aussi, « Peur sur la ville » ne nous embarque pas seulement dans la chevauchée urbaine de deux flics mais propose en prime une réflexion passionnante sur l’intégrisme moral. Ce dernier est ici jeté en pâture et personnifié à travers la figure de ce mystérieux Minos, justicier qui tient la morale en religion et qui s’impose en défenseur du bien... jusqu’à faire le mal pour le faire régner. A travers ce personnage complexe, c’est toute une réflexion autour de la sexualité qui se met en place.
Mais le sexe est, ici, surtout féminin : c’est le sexe fort ! La femme n’est jamais objet du désir dans le film, elle est objet de terreur, sa liberté effraie la morale bienséante de Minos. Dans ce film la femme baise et ne s’en cache pas, elle envoie valser les règles du mariage et du deuil et en paye le prix. La femme est libre à en mourir et elle incarne ainsi cette liberté sexuelle des années 70 qui pouvait déranger hier et qui continue de gêner aujourd’hui.
Aussi, le film propose un amusant télescopage de deux affaires dont l’une n’intéresse que le commissaire interprété par Belmondo, un brin revanchard. Un télescopage intéressant qui ralentit et tient en haleine le spectateur qui s’intéresse davantage à l’autre affaire, celle de Minos. On veut savoir mais on nous fait attendre... pour mieux nous retrouver.
Ce film est aussi celui d’une ville : Paris, filmée du métro jusqu’au ciel, des sous-sols jusqu’aux nuages. Cette chevauchée urbaine nous présente alors les multiples physionomies d’un Paris des années 70, entre les travaux des rues bondées et les couleurs chatoyantes des intérieurs, tout y est !
Le film, avec ses nombreuses bagarres et ses cascades mythiques, s’intéresse à son spectateur en lui proposant un récit à la dramaturgie jubilatoire et à l’écriture ingénieusement ficelée.
On pourrait les taxer d’excessives mais non, les scènes de cascades sont les poumons de ce film, elles lui donne du souffle, du coffre et participent à la richesse de sa mise en scène. Véritables chorégraphies, elles permettent au film de ne jamais s’essouffler et de tenir une cadence infernale... mais géniale!
Aux cascades et à la gouaille quasi érotique de Belmondo s’ajoutent de nombreux effets de caméra d’un réel dynamisme qui enrichissent la dramaturgie du récit. Un récit haletant !! Un film sans prétention apparente mais qui ne tombe pas dans le facile et qui, surtout, ne se fout pas de la gueule de son spectateur.