ESC a eu la merveilleuse idée de rééditer dans un luxueux coffret Blu-Ray l’intégrale des Phantasm (I, II, III, IV, V), la saga culte qui a fait pas genre de 1979 à 2016. L’occasion de revenir sur ces films fous auxquels on ne comprend pas toujours tout mais qui stimulent toujours autant et sur son créateur à la carrière tortueuse : le plus mésestimé, mal et peu connu des Masters of Horror, Don Coscarelli.
« It’s never over » déclare le Tall Man, l’incroyable méchant géant de la saga, à la fin de Phantasm III : Le Seigneur de la Mort (1994) à l’occasion d’un nouveau twist. Un nouveau, parmi les innombrables. C’est sans doute la phrase qu’on retient le plus quand on fait l’expérience curieuse de se plonger dans un court laps de temps dans l’intégrale des Phantasm sans en avoir vu un seul auparavant. Il y a un double plaisir. Celui, retrouvé de l’enfance, de vouloir voir et savoir le plus rapidement possible la fin d’une histoire, comme lorsqu’on enchaînait la vision des six Star Wars en deux jours, des Seigneur des Anneaux en à peu près aussi peu de temps, ou encore de la trilogie Retour vers le Futur. L’autre plaisir est celui de se plonger dans un univers presque totalement nouveau, et en tous cas perpétuellement surprenant, fou, insondable.
La saga commence donc avec Phantasm (1979) qui raconte l’histoire d’un jeune garçon, Mike, en prise avec un deuil douloureux, qui se retrouve confronté à une aventure extraordinaire face à un être paranormal, le Tall Man, et son armée de nains monstrueux, de zombies, et de boules d’acier. Ce Tall Man déterre en fait les morts pour les asservir, en faire ses soldats et ses esclaves. Le film est tourné, monté, tenu de bout en bout par un très jeune cinéaste d’une vingtaine d’années, Don Coscarelli, avec un budget de 300 000 dollars. Celui-ci a quand même à ce moment-là déjà deux travaux au compteur, Jim the World’s Greatest (1974) et Kenny & Company (1976), mais c’est la première fois qu’il se lance dans le cinéma d’horreur, rejoignant la flopée de films de genre réalisés sans le sou dans les années 70-80 devenus cultes par la suite. Ce côté moyens du bord oblige Coscarelli à redoubler de créativité à tous les niveaux et ce même sur l’organisation du tournage qui fut un véritable marathon. La grande beauté de ce premier opus vient sans doute de cela, de son côté brinquebalant, bricolé, chaotique, dont il ressort finalement une étrange cohérence. Quelque chose qui ressemble à un cauchemar. On est très vite perdu dans cette imagerie foisonnante, ce délire narratif où divers degrés de réalité se succèdent et se cognent les uns sur les autres. C’est d’autant plus beau dans ce premier épisode qu’il est vraiment concentré sur la psyché troublée de Mike, comme si toute son aventure n’était finalement que son rêve émergeant de la tragédie de sa vie, Mike ayant perdu ses parents et son frère. Cette possibilité est d’ailleurs évoquée à plusieurs reprises pendant le métrage. L’ésotérisme bizarroïde de l’œuvre qu’on imagine principalement due à ses difficultés de production et de réalisation prend un autre degré d’émotion quand on le sent habité par les tourments de Mike, qui sont les tourments d’une enfance perdue par le deuil. Cela n’a rien d’étonnant d’ailleurs quand on sait que les premiers films de Coscarelli sont des chroniques autour de personnages d’enfants. C’est vraiment le petit miracle qui s’opère dans le premier volet, et notamment dans ses dernières minutes absolument sublimes, et c’est cette même beauté qui opère dans les épisodes suivants dès que ce qui est essentiellement en jeu c’est cette tristesse, cette psyché tourmentée des enfants. Lorsque ce n’est plus Mike enfant, ce sont de nouveaux et passagers personnages des suites, comme la jeune Liz avec qui Mike peut communiquer par l’intermédiaire de rêves partagés dans Phantasm II (1988), du gamin Tim armé jusqu’aux dents et capable de massacrer plus de zombies que n’importe qui dans le troisième opus, pour finalement revenir au Mike du premier opus par l’intermédiaire de souvenir dans le magnifique Phantasm IV : Oblivion (1998), peut-être le plus beau de la saga, mais nous y reviendrons. Mike enfant hante toute la saga à travers des retours d’images du premier épisode, mais surtout avec le retour de son comédien à tous les âges, le touchant A. Michael Baldwin, si l’on excepte son absence dans le deuxième épisode où le studio a imposé un autre comédien à Coscarelli… C’est la beauté de ce rapport au trouble et à la tristesse enfantine qui permet sans doute à la saga de tenir de manière vraiment personnelle jusqu’en 2016, ou disons au moins jusqu’à 1998, malgré les difficultés que Coscarelli a pu connaître avec les gros studios avec qui il a collaboré pour les épisodes 2 et 3. Ces deux épisodes sont d’ailleurs forcément les plus calibrés, mais il n’en reste pas moins tout un tas d’étrangetés et de beautés (notamment de mise en scène) pour qu’ils restent tous les deux passionnants.
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http://faispasgenre.com/2017/12/phantasm-integrale-bluray-critique/