On ne prend en photo que les sourires, les moments heureux, pas ceux que l'on veut oublier. C'est ainsi que Sy Parrish présente les choses. Pour moi, exposer le point de vue du personnage principal par divers répliques comme ça réparties dans le film, c'était essentiel, et de mise, étant donné qu'on doit passer la plupart du temps en sa compagnie, cet homme seul qui envie autrui.
Il parle aussi, entre autres, de son métier, a l'air vraiment passionné, et appliqué dans ce qu'il fait. Le fait qu'il parle autant de son job, avec une certaine précision, donne une crédibilité au personnage, tout comme lorsqu'il décrit les différents types de clients qui se présentent devant son comptoir.
Ce type n'est pas un simple malade qui épie les autres, c'est un malade qui développe des photos, ce qui permet d'avoir toutes ces sympathiques réflexions du personnage principal, jugeant par exemple que les gens devraient prendre plus de clichés des petites choses de la vie.
Comme les petites choses de la vie dont parle Sy, ce sont les détails auquel prête attention ce film qui sont importants. La première image que l'on voit au début de Photo obsession, c'est un appareil qui prend la photo de Sy au poste de police.
Le scénariste trouve une justesse dans la description de ce personnage. Voilà pour ce qui est du côté "amateur de photos" du héros, concernant son côté malade, tout est très bien établi dès la première scène entre lui et la famille par qui il est obsédé : il vient au comptoir quand il les entend arriver, il connaît leur adresse et l'âge de l'enfant par cœur, demande 3 tirages de leurs photos (un pour lui), il déconseille de passer à un appareil digital sans quoi il n'aurait plus de boulot (ou plutôt, plus de photos d'eux), etc.
Il y a même en lui ce petit excès de sympathie qui dérange, qui fait qu'on se dit que quelque chose cloche. Robin Williams le fait ressentir en jouant tout en finesse, très subtil dans sa façon de faire comprendre une solitude et une tristesse chez son personnage, sans pleinement montrer ce qu'il ressent.

Ce n'est plus tellement d'actualité aujourd'hui, mais c'est vrai qu'il y a une époque où l'on confiait nos photos à des inconnus. Je trouve ça bien que Mark Romanek ait pensé à ce que ferait à un personnage seul le fait d'être exposé au bonheur des autres via leurs photos.
Sy Parrish n'a pas de famille, personne pour l'aimer. Il n'a même pas son propre commerce, il est employé dans un hypermarché, et a de quoi être frustré quand son patron ne partage pas son envie de la précision et de la qualité qu'il veut accorder à "ses" clients.
C'est pas trop crédible quand l'enfant de la famille Yorkin, celle que Sy suit depuis des années, pense à lui en se disant qu'il doit être seul et triste, mais bon, ça a sa petite utilité dans le film.
On tombe aussi dans le cliché (un comble pour ce film), quand on voit toutes les photos que Sy a accrochées à son mur, comme tout gros psycho de fiction. Les plans sur les photos sont de travers aussi, façon d'exprimer la démence par le cadrage, comme nous l'a appris la série Batman dans les 60's.
On alterne entre bonnes et mauvaises idées pour exprimer la folie qui anime Sy.
C'est pas mal, la scène où il rencontre pour de vrai le père de la famille, après l'avoir seulement observé sur les photos. Il traîne à discuter avec lui, au point que ça en devient gênant, d'autant plus que Sy devrait retourner bosser, ce qui apporte une pression supplémentaire, son patron étant là à l'observer depuis son bureau.
La scène à la brocante est intéressante aussi, montrant la bizarrerie du personnage qui achète de vieilles photos d'inconnus. Je ne savais même pas que ça se vendait, ces trucs là, c'est assez creepy quand on y pense...
Par contre, la visite de la maison de la famille par Sy, c'est un peu en trop. Le plan où il sourit, assis sur leur trône, c'est... un choix, mais un peu lolesque.

Sy se veut proche des Yorkin, se croit proche aussi probablement. Il aimerait être "Oncle Sy", mais à la place il est "Sy the photo guy", ce qui crée une distanciation certaine.
Pour se rapprocher de la mère, notre héros fait le coup classique du "oh, tiens, vous lisez ça vous aussi ? Justement j'avais regardé dans votre sac pour en savoir plus sur vous...".
Il en est pourtant plutôt touchant, le pauvre. C'est peut-être la musique qui fait ça, aussi. Mais on en revient à penser que c'est un fou quand il montre la photo de sa "mère".
J'aurais trouvé plus intéressant que le personnage ne soit pas montré comme totalement dément, mais quelqu'un de simplement seul, à qui on pourrait s'attacher. Le fait qu'il mente et s'invente une vie, ça retire une part d'empathie. Enfin, si ce n'était pas dans les intentions du réalisateur, hein...
On reste tout de même en quelque sorte avec lui, quand il lui arrive le truc le plus horrible qui puisse lui arriver. Je ne saurais l'expliquer, mais on se sent mal pour lui.
Non, par contre, le film vire au thriller à suspense dans la dernière partie, et là ce n'est plus seulement une histoire de ne plus avoir d'empathie pour le personnage, il devient également inconsistant par rapport à tout ce qu'on a vu de lui jusque là, se transformant en gros taré psychopathe insupportable, aux demandes grotesques et aux motivations incompréhensibles. On nous fout une couche de cliché supplémentaire avec cette allusion au passé d'enfant maltraité du héros, à un moment où il pète un plomb.

Au niveau de la réalisation, rien d'exceptionnel, mais là aussi, ce qui se démarque est soit bon, soit mauvais.
Les plans à l'intérieur de la machine de développement, les écrans de TV avec des images d'incendie qui passent derrière un Sy Parrish qui bout à l'intérieur lors d'un travelling, c'est le genre d'attentions que j'aime.
La scène de rêve WTF, et les ambiances à la colorimétrie verdâtre ou jaune pisseux, par contre, quand ce n'est pas d'un mélange de bleu et de blanc vraiment pas discret pour symboliser l'univers de Sy, ce sont des choix très discutables de la part du réalisateur.

C'est vraiment dommage, Mark Romanek tenait un bon truc, un film qui commençait bien, avec un pitch et un personnage principal intéressants, mais vers la fin du film, il y a certains défauts qui ne sont plus excusables. Je suis plutôt déçu, même s'il y a des trucs à garder dans ce Photo obsession.
Fry3000
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le 1 avr. 2012

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