Ceci n'est pas un film
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Poème iconoclaste d'une édifiante modernité cinématographique Pierrot le fou marque un point d'aboutissement dans l'Oeuvre intarissable de Jean-Luc Godard.
Une sorte d'apothéose entre le cinéaste et ses deux acteurs fétiches : l'inénarrable Jean-Paul Belmondo ( extraordinairement désinvolte dans la peau du mystérieux Ferdinand ) et la ravissante Anna Karina ( beauté criante aux yeux bleus Vélasquez ). Une pléthore de plans pittoresques, avec des chapitres jouant sur de saisissants effets de résonances. Un film noir en couleurs, des bagnoles et des revolvers. La voix de Ferdinand énonce quelques bribes narratives et/ou culturelles, celle de Marianne expriment les idées sous-jacentes de ses sentiments bouillonnants.
Lui lit beaucoup, aime l'ambition, le mouvement des choses et les accidents. Elle regarde la mer, le bleu du ciel et sa petite ligne de chance. Parfois Godard suit les traces de Jacques Demy, au détour d'un ou deux intermèdes musicaux d'une savoureuse jouvence. Romantique, flamboyante la composition d'Antoine Duhamel, proche du souffle élégiaque, accommode ce concert anarchique d'images et de sons pour le moins provocant. On jubile face au délicieux mélange de genre que constitue Pierrot le fou : comédie burlesque, cinéma d'action, drame sophistiqué ou polar méridional... Huit ans avant Bertrand Blier JLG filme la débandade d'une jeunesse française fuyant la bourgeoisie moribonde et ses salons mondains aux couleurs saturées.
Musique(s), montage et autres mises en abyme... Sam Fuller cite Beaudelaire et redéfinit avec un soin vernaculaire les sens du cinéma. Bébel s'adresse aux spectateurs, Raymond Devos s'essaye à un numéro d'amoureux transi possédé par une rengaine old school. Entres autres choses encore : les épatants Pieds Nickelés, des tableaux de maîtres, un poème lapidaire écrit par Marianne, les figures des années yéyé, un générique d'ouverture fascinant de ludisme...
Pierrot le fou c'est un peu le croisement des conduites amorales de A bout de Souffle et des réflexions manifestes du Mépris... Tout le cinéma de Godard en un film passionnant dans ce qu'il dit et montre, audacieux, volontairement nébuleux et pourtant jamais exclusif. Le travail sur le son, sur le découpage technique, les mimiques de Belmondo et les cadrages de Raoul Coutard font de ce film-somme l'un des chefs d'oeuvre incontestables de son auteur. A voir impérativement.
Créée
le 28 juin 2018
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