2013 restera une année de gloire pour Kim Ki-duk. Pietà, son dix-huitième long métrage, a remporté en ce début d'année la récompense suprême de la Mostra de Venise, le lion d’or. Attribué au Faust d’Alexandre Sokurov l’an dernier (œuvre d’une rarissime beauté), le nouveau film de Kim Ki-duk intrigue grandement pour une récompense de cette envergure, et trouble une grande démarche artistique attendue.

Si Pietà devait nous laisser des séquelles après la projection, quelles seraient-elles ? Le problème est bien là. Que dire, que retenir de cette histoire aux allures de déjà vu, étirée sur 1h44, avec un sujet traitable en 20 minutes ? La trame scénaristique, en plus d’être d’une simplicité agaçante, ne participe jamais au décollage du film, en proposant des conflits plus ou moins attendus. Peu de surprises pour un cinéaste sud-coréen, dont les confrères parviennent davantage (Hong Sang-soo, Park Chan Wook, Kim Je-woon) à remuer leur public, à transmettre leur atmosphère. Car c’est ce qu’est Pietà : ni plus ni moins qu’un film d’atmosphère paresseux, avec un climax quasi inexistant, nous étouffant par des scénettes construites sur un faux suspense (ce qui en soit pourrait être une bonne chose).

Kang Do est un « être pas comme les autres », en marge de la société contemporaine. L’arrivée d’une femme prétendant être sa mère va bouleverser son mode de vie, et changer radicalement son caractère. Kang Do est un personnage similaire à ceux de Park Chan Wook ou Bong Joon-ho, mais le sérieux avec lequel est traité son aventure manque cruellement d’esthétisation et surtout d’interêt. Filmer au plus près des corps n’apporte rien, tout comme une caméra portée utilisée faiblement. La mise en scène vaine de Kim Ki-duk, sans être académique, ne progresse jamais tout au long du film et en vient même à s’auto caricaturer.

Kangdo, brillament interprété par Lee Jung-Jin, porte le film sur ses épaules. Un jeune homme sec, violent, provocateur, provoquant. Ce rôle lui convient comme un gant et rend la majeure partie du film crédible. Car de crédibilité, il n'en faut pas qu'une simple esquisse pour une histoire de cette envergure, qui au final délaisse le côté poétique/religieux de la chose. Si l'affiche est une représentation de la sculpture de Michel Ange (La Pietà, 1498), le film de Kim Ki-duk est à l'opposé, tout en restant dans la métaphore de la sculpture. La beauté de Pietà réside peut être dans ce sens caché, restant assez naïf au final et peu convaincant. Nous ne sommes pas dans un tableau représentatif de la statue de Michel Ange, comme nous pouvions l'espérer. Et forcément, on s'ennuie, jusqu'à un dénouement plutôt prévisible. Kim Ki-duk vole le lion d'or à Paul Thomas Anderson ou encore Harmony Korine. Les sud-coréens demeure néanmoins comme d'importants cinéastes virtuoses. Presque tous.
Forrest
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le 28 avr. 2013

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