Jack revient, une bouteille de rhum à la main, titube dans les ruelles et dans les geôles, sur les toits ou tiré par une corde, tout en reconnaissant la qualité du vignoble français. Face à de telles scènes que la débauche d’effets numériques – hideux – vient envelopper, nous nous demandons, à juste titre, si le spectacle qui se joue sous nos yeux constitue le making-of ou le produit fini. La Vengeance de Salazar témoigne de la mise à mort d’une saga pourtant réputée pour sa qualité tant visuelle que dramatique, ses trois premiers volets étant de véritables bijoux de divertissement que régissait une vision artistique claire et visionnaire. Mais Gore Verbinski a quitté le navire, laissant aux commandes Rob Marshall pour un quatrième opus déjà très moyen, puis deux inconnus, Joachim Rønning et Espen Sandberg, habitués à travailler ensemble. Pas de chance, leur duo n’échappe pas au despotisme artistique des grands studios, si bien qu’il n’aboutit qu’à un film dépourvu d’âme et sans intérêt aucun. Pour masquer l’absence d’enjeux est adopté un découpage polyphonique de l’intrigue et de ses actions, si bien qu’il nous faut rétablir la cohérence interne d’une œuvre qui n’en a, en réalité, pas la moindre. Un nouveau couple est propulsé sur le devant de la scène et rappelle étrangement le couple formé jadis par Keira Knightley et Orlando Bloom, l’alchimie en moins. Car tout file à une vitesse folle, empêchant les situations de se développer, la profondeur psychologique de s’installer. Nous sautons d'un lieu à un autre, nous découvrons des personnages qui disparaissent aussitôt pour ne revenir qu'en guise de clausule. Et que dire de l’antagoniste principal, sinon qu’il brille par son inconsistance ? Les effets spéciaux rendent ce personnage volatil, lui ôtent toute substance. À l’image de ce film navrant qui alterne les scènes d’exposition à grands coups de musique écrasante et les scènes de combat, bâclées. Sur le bijou de divertissement qu’était la saga Pirates des Caraïbes, cette Vengeance de Salazar apparaît bien comme la perle noire venue ternir son éclat. Espérons qu’elle ne donne naissance à aucun rejeton supplémentaire.