« Pirates des Caraïbes, La Revanche de Salazar » est un peu au cinéma d’attraction ce qu’est le film porno à l’industrie cinématographique. Une histoire simpliste, des personnages peu profonds (c’est ballot), de la misogynie, des décolletés, du cabotinage, Orlando Bloom et l’envie de faire durer le plaisir.
Le risque avec ce genre d’envie est de lasser, voire d’irriter. Et c’est précisément ce qui rend ce cinquième volet difficile à avaler.


Le jeune Henry Turner s’élance en mer à la nuit tombée pour aller retrouver l’espace d’un court instant son père Will (OMG le retour d’Orlando !) qu’il recherche depuis des années. Victime de la malédiction de Davy Jones dans le troisième volet, ce dernier ne peut plus poser pied sur terre qu’un jour tous les dix ans, ce qui rend la vie de famille compliquée (sans compter les moules mortes incrustées à ses joues).
Pour le libérer, Henry promet à Will de trouver le Trident de Poséidon, objet de légende supposé lever toutes les malédictions lancées en mer. Avec l’aide de Jack Sparrow et de son compas magique (qui indique à son détenteur où se situe ce qu’il souhaite le plus au monde) il compte bien permettre à son papounet de réintégrer la franchise, lui qui s’ennuie sévère depuis 2007. Will tente néanmoins de l’en dissuader, parce que tout de même, c’est dangereux. Instant émotion. Instant Orlando. L’intrigue est lancée, et déjà on se demande comment tout ceci va se terminer…


9 ans plus tard, nous retrouvons Henry embarqué auprès de la Royal Navy. Tel le digne fils d’Orlando, il commence par faire un truc un peu stupide (du genre tataner la tronche de son supérieur et tenter de voler la barre au Capitaine), ce qui lui vaut l’honneur de se retrouver emprisonné dans une cellule ornée d’un poster de Jack qui, comme toujours, est recherché par la Terre Entière.
Alors qu’Henry a tenté de prévenir le Capitaine que « là ça pue du cul, mais violent » le navire de la Royal Navy pénètre tout de même dans le Triangle du Diable, un endroit qui vend du rêve. C’est alors que, ô surprise, le navire est attaqué par une horde de Pirates Zombies (parce qu’en fait, c’était un piège).
Entre flammes et grosse baston, Salazar, el Capitan très très méchant du bateau fantôme fait ainsi son apparition en toute simplicité (« Qui êtes-vous ? » « Je suis la mort »), pour mettre fin aux jours du Capitaine YOLO. Henry, sous le choc (alors qu’il est enfermé un niveau plus bas, hein) renverse un pot par terre, ce qui attire l’attention d’el Capitan. -_-
Ni une, ni deux, Salazar et son ouïe supersonique foncent dans la cale pour dérober sans vergogne le tout nouveau poster d’Henry et partager avec lui son obsession compulsionnelle envers Jack Sparrow, l’homme à cause duquel il bave à présent du caca liquide (ce qui a le don de le foutre en rogne, il faut bien le dire). Salazar fait le serment solennel de revenir un jour parmi les vivants pour se venger de « Sparrrrow » et charge Henry de faire passer le message. Seconde intrigue dévoilée, le suspens est à son comble.


A partir de là, nous avons droit à une présentation de personnages d’environ 45 minutes au cours desquelles on « découvre » Jack Sparrow (l’ivrogne du coin qui n’a absolument pas évolué depuis 2003), son équipage (qui s’en va et qui revient selon besoin), Carina (la jeune scientifique accusée de sorcellerie que tout le monde rencontre par hasard et qui par hasard détient aussi la carte conduisant au Trident de Poséidon), Barbossa (pourvu d’une splendide jambe en or et d’un cœur tout aussi pur) et un membre relou de la Royal Navy qui donne tout ce qu’il a côté casse bonbons. (Curieux comme tout ceci m’évoque quelque chose…)
Le film se résume alors à un genre de crossover entre Benny Hill et Fast&Furious (ceci reste une interprétation subjective) proposant des situations aussi cocasses qu’improbables, des courses poursuites extravagantes, des blagues désopilantes, des grosses basses qui font péter les enceintes et un méchant qui répète « Sparrow » tous les trois mots tel un désaxé mental. Bref, on est dans le grand spectacle, celui où il ne faut surtout pas réfléchir, parce que oh eh, on est là pour s’amuser, hein !


Seul petit détail : tout le monde semble avoir oublié qu’il y a déjà 4 volets derrière et plus d’un siècle de cinéma qui les devance.
En 2017, il serait donc nécessaire qu’une loi interdise l’utilisation de certains ressors scénaristiques dans les films. Comme par exemple : échapper à la mort par transpercement grâce au carnet caché dans la poche de son manteau, se sacrifier alors que ça ne sert à rien, tomber dans le vide au ralenti parce qu’on vient de se sacrifier alors que ça ne sert à rien, créer des liens de filiation pour que cette mort qui ne sert à rien soit émouvante, poser des questions niaises du genre « tout va bien ? » alors que son interlocuteur vient de subir ladite perte émouvante, rajouter des péripéties abusives alors qu’on sait tous que le héros s’en sortira, forcer une histoire d’amour entre les deux seuls ados de l’histoire pour faire écho à ce qui a déjà été fait dans la même franchise, faire parler les personnages à voix haute pour expliquer le scénario, organiser des coïncidences auxquelles personne ne peut croire (un phénomène estampillé « Lost » : « Oh ! Toi aussi tu as décidé de venir prendre un bain de lune à 3h42 dans ce coin reculé de la jungle que personne ne connait ? Quel impondérable hasard ! ») ou encore ajouter 3 rides à une actrice pour faire croire qu’elle a vieilli de 20 ans. A peu près tous les trucs que Pirates des Caraïbes 5 utilise, donc. Sans compter une majorité de gags repris des anciens volets et l’auto-parodie de Jack Sparrow par Johnny Depp.


Au milieu de tout ce menu Tipiak, on sourit tout de même de temps en temps. Parfois parce que les idées sont drôles : le coup de la guillotine ou du bateau bling bling de Barbossa, par exemple ; et d’autres parce que ça frise le ridicule (coucou le ralenti du requin mort-vivant qui bondit par-dessus la barque).
Le reste du temps, on se laisse vaguement hypnotiser par les images qui bougent sur l’écran géant en face de nous, jusqu’à ce que l’ennui nous donne envie de faire autre chose, comme creuser un trou pour s’évader.


Ce qui fait tenir, au fond, est un élément bien curieux : le désir profond de voir Orlando revenir parmi les vivants. Après 3 films passés à faire des « face palm » dès qu’on le voyait entreprendre une action ou ouvrir la bouche, il devient ainsi le radeau auquel on se raccroche pour passer un bon moment. Et ça, c’est la vraie grande surprise du film !
Une fois le Trident trouvé, les malédictions levées et Salazar enterré (j’avais prévenu : un suspens insoutenable), vous n’imaginez pas le bonheur de voir Will surgir tel un conquérant dans la longue-vue de son fiston ! Orlando nous sauve de la torpeur, on savoure et on s’émeut presque un peu.
Finalement, ses deux séquences seront les meilleures. Celle du début, parce qu’elle laisse encore présager un bon moment d’action et de rigolade, et celle de fin, parce qu’on sait le générique imminent. C’est bien Orlando qui rend ce volet plus agréable à regarder que le précédent, une véritable plaie de laquelle j’étais sortie en me promettant de ne plus jamais me laisser berner par cette franchise. Et à l’époque, j’y avais cru car on était enfin débarrassés de lui et de Keira. Comme quoi, ça peut avoir du bon de revenir aux bonnes vieilles habitudes…


Si seulement elles étaient maîtrisées avec l’envie de raconter une véritable histoire, de donner corps aux personnages et donc aux émotions, on aurait pu passer un bon moment au lieu de se sentir dépouillé de l’argent qu’on a aveuglement donné aux producteurs pour qu’ils nous concoctent une énième suite sans saveur. Ça m’apprendra d’aller voir un film sous prétexte qu’il compte Javier Bardem au générique…


(Tu peux retrouver mes babillages par ici)

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le 19 juin 2017

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