Un film écrit par le duo Agnès Jaoui et Jean-Pierre Bacri, cela ne se refuse pas, surtout qu'ils sont aussi au casting. De plus, la bande-annonce était séduisante, c'est donc avec plaisir que je m'installe dans une salle pour me délecter des bons mots de ce couple d'auteurs des plus talentueux.


En attendant le drame. L'introduction est surprenante, un jeune homme détruit des rétroviseurs, alors qu'un homme arrive avec un fusil à la main. Dans la nuit profonde, un coup de feu se fait entendre et on se retrouve sur le bord d'une route de campagne ensoleillée avec Castro (Jean-Pierre Bacri) et son chauffeur Manu (Kévin Azaïs) se déhanchant sur La Rage de Keny Arkana. Castro est l'animateur d'une émission où des célébrités voient leur intimité être mise sur la place publique. C'est un homme à l'ego démesuré, possessif et refusant de vieillir. Ils se rendent à la crémaillère de Nathalie (Léa Drucker), se déroulant dans une immense demeure provinciale. Un lieu où l'ambiance ne va pas être à la fête.


Après avoir fait la connaissance de Castro, on va croiser de nombreux personnages, qui ne vont pas se révéler intéressants. C'est un défilé de clichés, dont les mots sonnent souvent creux. On assiste à des oppositions ville/campagne, Paris/province, jeunes/vieux, hommes/femmes, etc... Cela manque de rythme et de vie, bref, cela ronronne. De ce fait, on s'ennuie royalement en ce lieu, on a des envies d'ailleurs et on en vient presque à regretter de ne pas avoir voulu faire la queue au milieu d'une horde d'adolescents dévorant du pop-corn et dissertant sur la tectonique des plaques, en attendant l'ouverture des portes pour Avengers : Infinity War.


Agnès Jaoui et Jean-Pierre Bacri vont pointer les travers de notre société, comme les réseaux sociaux avec ces stars Youtube tel Biggistar (Mister V) où Samantha (Sarah Suco), une serveuse locale en admiration devant ces célébrités, en les filmant sous tout les angles, tout en étant à la recherche du buzz et d'un coup de bite (pardon). Le public avec sa propension à se complaire dans la médiocrité des programmes que nous proposent les médias, en choisissant la facilité aux dépends de la réflexion et culture. Notre égoïsme face à la détresse des sans-papiers et migrants fuyants leurs pays en guerre, pour sauver leurs vies, dont Hélène (Agnès Jaoui) se dresse en défenseure de leurs causes. Au contraire de Pavel (Miglen Mirtchev), car le dernier arrivé ferme la porte, par peur de perdre sa place. Nathalie (Léa Drucker), la parisienne venant vivre à la campagne, mais ne supportant pas ceux qui y vivent et encore moins les chiens, toujours pendu à son kit mains libres. Bref, c'est toute une galerie de personnages plus ou moins détestables, où déambule le rayon de soleil Nina (Nina Meurisse), la fille d'Hélène et de Castro, qui tente de communiquer avec eux, mais ne peut que constater leurs besoins irrépressibles de se complaire au creux de leurs nombrils.


Au milieu de ce film choral, Jean-Pierre Bacri continue de jouer son personnage d'antipathique chronique, ce qui permet de rester éveiller, même si on a déjà entendu ses répliques dans la bande-annonce. Il est l'incarnation du mépris social, à travers son culte de la personnalité et son jeunisme. On le cerne rapidement, au contraire des autres personnages, mais dès que l'orage éclate et que le soleil se couche, les masques tombent et les esprits s'échauffent. Cela ne se fera pas dans la violence, nous ne sommes pas dans une émission de télé-réalité trash. Agnès Jaoui égratigne ses congénères, mais semble avoir perdu de son mordant, en s'entourant d'un casting manquant de talents, tout en ne sachant pas vraiment quoi faire de cette jeunesse qui s'éclate autour de la piscine. En voulant mettre tout ce petit monde en opposition, elle finit par se mettre elle-même en opposition avec le public, qui ne va pas retrouver la même verve de la part de ce couple d'auteurs, jouant de leur vie intime, pour tenter de brouiller les pistes, ce qui se révèle peu judicieux.


Place Publique est une comédie douce amère dans l'air du temps, mais sans réussir à en prendre le pouls. Le film met du temps à décoller, avant d'offrir un peu de plaisir aux spectateurs. Malgré cette oeuvre en demi-teinte, on continue d'apprécier le duo Agnès Jaoui et Jean-Pierre Bacri, tout comme Nina Meurisse et Alain Bashung avec Osez Joséphine dans nos têtes.

easy2fly
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le 27 avr. 2018

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Laurent Doe

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