Comment un film sur l’amour, la mort et le désir peut-il encore nous surprendre ? Christophe Honoré réussit ce pari en nous plongeant dans la solitude d’un personnage, Jacques, et finalement, dans la solitude de chacun. Cet écrivain (Pierre Deladonchamps), nous entraîne au coeur des années 90, avec ses amours et ses emmerdes et surtout avec Arthur, un étudiant dont il tombe amoureux.
C’est d’abord la solitude de Jacques qui nous atteint par la violence comique de sa collègue, comparant son hépatite à la séropositivité de l’écrivain. C’est ensuite son amour sincère mais non-exclusif pour Marco, pour Jean-Marie, pour Arthur et tous les autres. Et c’est aussi son amour pour son fils, seul lui aussi, devant la porte entrouverte de la salle de bain lui laissant apercevoir son père et Marco entrelacés dans la baignoire. Christophe Honoré ne manque pas d’exprimer physiquement cette solitude en isolant chaque personnage dans le cadre, pour nous rappeler qu’on peut être à la fois entouré et seul.
Face à ce vide cruel, le rire apparaît comme un remède. C’est ce qu’incarne Vincent Lacoste alias Arthur qui égaie le tout de son regard désabusé. Pour sublimer ce duo d’acteurs, on retrouve un Denis Podalydès en voisin et ami de Jacques, seul lui aussi, gay lui aussi, malicieux lui aussi. Cette alchimie bien mesurée risque à chaque instant de se diluer par la longueur de certaines tirades alambiquées. Mais la fraîcheur des dialogues et des situations donne un nouveau souffle à ce périple improbable.
Improbable mais pourtant déjà vu un an auparavant, avec le succès de 120 battements par minutes : les mêmes années 90, rongées par le sida toujours, frivoles et passionnées, encore. Mais là où la lutte pour la vie bouscule violemment nos certitudes, la lente descente aux enfers de Jacques est teintée de la candeur d’un monde sans préjugés. Parce que parler d’homosexualité sans parler d’homophobie devient possible, quand l’amour et le sexe illustrent la solitude plutôt que la haine.