Avec son dernier film Play, co-écrit avec Max Boublil, Anthony Marciano nous invite, dans un kaléidoscope d’images qui sent bon la nostalgie, à faire un retour vers le passé et nous offrir une comédie romantique qui effleure avec passion le temps qui passe et les effluves libertaires de la jeunesse.


Cependant, disons tout de suite, Play ne joue pas simplement la carte de la nostalgie, qui voudrait fétichiser son époque et en usurper les gimmicks jusqu’à plus soif. Non, au contraire, le long métrage est plus subtil et cohérent, un peu comme 90’s de Jonah Hill : c’est une ode à une époque, celle de 90’s/00’s où l’on sent un amour considérable pour l’objet qu’est le souvenir d’une enfance et d’une vie. L’époque qui nous forge et qui nous voit avancer : son décor, ses instruments, sa manière de penser ou de fonctionner. C’est sans doute pour Anthony Marciano, une main tendue ou un hommage pour sa jeunesse.


A travers cet exercice de style du « found footage » qui pourrait tenir sur sa seule volonté de reconstruire des moments du passé, à travers cette bande son géniale et ses multiples références drolatiques, Play va au-delà de ce simple objectif, et arrive parfaitement à se réapproprier l’essence même d’une époque : celles des premières dérives, des premières sorties, des premiers baisers ou des premières conneries. Il est intéressant de noter, quand dans une époque comme la nôtre tout est instantané et numérique, l’outil qu’est la VHS devient alors le symbole mémoriel d’un passé, comme un totem qui pourrait nous faire comprendre le futur par le prisme du passé. Car au-delà de ce visionnage de VHS, le film ne cesse de regarder vers l’avant.


C’est cette idée qui fait le moteur, le fil rouge de Play : derrière cette ribambelle de scènes de groupes où l’on voit chaque membre de la bande grandir et devenir quelqu’un d’autre, le film voit le temps passer, les regrets s’accentuer, les déceptions s’accumuler et avoir un impact sur chacun. Dans cette façon de jouer avec le format, et de s’amuser des codes de la mise en scène, Play crée une sorte d’interaction avec le spectateur, qui se reconnait ou non dans ces brefs moments de vie ou de déconnades : les soirées à la maison sur du Jamiroquai, la soir de la Coupe du Monde 98, les boeufs sur du Slipknot, les appels téléphoniques pour demander à une fille de sortir avec soi, la tempête de 1999, les discussions sur les répliques de La cité de la peur…


On pourrait énumérer d’innombrables citations que fait le film à une époque « dorée » (pour certains). Pourtant, Anthony Marciano n’endosse jamais le discours de trentenaires un peu réactionnaires qui voudraient crier que « c’était mieux avant », non, le film est en tout temps fédérateur et pourrait parler à chaque génération. Car comme ce fut dit ci-dessus, Play toise avec sensibilité et joyeuseté son enfance mais n’en oublie pas de voir avec tendresse cette peur de grandir qu’on a tous connue, cette peur de lâcher prise, d’avoir des responsabilités, de rater le coche et de prendre des décisions qui pourraient enfin nous rendre heureux.


Et même si sur les trente dernières minutes, l’aspect comédie romantique (mignon) qu’on voit venir depuis le début, prend un peu trop le dessus sur ce qui faisait tout le sel du film – peut-être dû à un jeu d’acteur parfois un peu bancal – , Play n’en reste pas moins extrêmement salutaire et cohérent sur toute sa durée et demeure un réel plaisir à savourer seul ou entre amis.


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Velvetman
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le 4 janv. 2020

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