Placé dans l’ombre d’un monumental Roi Lion qui, une année plus tôt, raflait tous les suffrages, Pocahontas était à ce stade de la longue filmographie Disney une belle anomalie : d’abord et surtout au regard de son sujet, librement inspiré d’une figure historique de l’Histoire américaine, mais également de par la fascination qu’il inspire en dépit d’une simplicité chronique.


Une fascination que je ne saurai d’ailleurs m’expliquer, mais soit, les faits sont là : le long-métrage de Mike Gabriel (Bernard et Bianca au pays des kangourous, tiens donc) et Eric Goldberg dégage une telle aura qu’il intègre sans peine le groupe des tous meilleurs titres du studio. Car si Le Roi Lion capitalisait diablement sur son souffle grandiose, Pocahontas affine et magnifie sa verve poétique pour un résultat des plus enchanteurs.


Cette comparaison vaut également pour leur patte graphique respective, le premier ayant alors mis la barre très haut : mais sans aller jusqu’à égaler sa teneur épique, Pocahontas est un véritable régal pour la rétine, sa fluidité et la finesse de ses traits s’avérant exquises à souhait : il s’en dégage ainsi une somptueuse ode à la Nature, qui sur fond de colonisation et de civilisation croissante érige un contraste saisissant. Qu’il s’agisse des panoramas sauvages forestiers de l’Amérique du Nord côtière, des personnages (sur deux ou quatre pattes) ou de l’animation au sens global, le tableau est proprement ahurissant jusque dans l’énergie qu’il communique.


Si nous pourrions nous attarder sur l’évidente icône qu’est Pocahontas, chevelure d’ébène et stature noble (dans le sens le plus noble du terme) lui assurant un charisme mémorable, un tandem n’illustre que trop bien la grâce ambiante à l’œuvre : Meeko & Flit. Une paire de fins trublions tranchant paradoxalement avec le ton majeur du film, mais douée d’un sens du mouvement et du timing hallucinant de justesse : l’effet est tel que, par voie de conséquence, leur statut de comic relief atteint des proportions telles que l’on se poile littéralement, surtout lorsque ce diable de raton-laveur tourmente un Percy n’en demandant pas tant.


Le fait que ce prisme comique fonctionne aussi bien en dit alors long sur la réussite qu’est Pocahontas, son intermittence et son dosage parfait cohabitant merveilleusement bien avec le cœur du récit : une romance impossible sur fond de choc des cultures. Alors certes, nous pourrions pointer du doigt l’éloignement de la fiction vis-à-vis de la réalité, mais faut-il vraiment lui en tenir rigueur ? À ce titre, il ne faudrait pas se méprendre sur sa représentation d’une violence qu’il édulcore inévitablement : toutefois, celle-ci subsiste et est partie-intégrante de son identité, ses séquences musicales belliqueuses et ce meurtrier coup de feu en attestant... d’autant qu’il est empreint d’une ironie cruelle (poor Thomas).


Pocahontas simplifie et s’approprie donc ce fameux « mythe fondateur », mais il ne succombe pas pour autant aux sirènes du manichéisme binaire : l’antipathique Ratcliffe agit d’ailleurs en trompe-l’œil tant il serait commode de s’arrêter à l’antagonisme (tout désigné) qu’il incarne, lui qui n’est finalement que le produit d’une société arriériste et arrogante... et dont la caste dirigeante le méprise. En parallèle de ces conflits d’intérêts destructeurs, le film parachève son succès au moyen de son pan le plus intangible : sa romance. Une idylle « pure » se passant avec brio des mots, grâce à cette même animation et son atmosphère magique : un mariage tel que l’on en oublierait presque le caractère archétypale de John Smith, où encore la nature inexplicable de leur coup de foudre... mais ne dit-on pas que le cœur à ses raisons que la raison elle-même ignore ?


De prime abord candide dans sa représentation d’un page importante de l’Histoire, Pocahontas ne saurait donc être réduit à une vulgaire amourette à la Roméo et Juliette.

NiERONiMO
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le 12 déc. 2019

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