"Les idées peuvent être fortes..." "Oui, mais jamais aussi fortes qu'un baleinier."

Ce film...


Ah, ce film...


J'sais bien que Point Break, le vrai, n'est pas un chef d'oeuvre. J'comprends bien que c'est pas un film qui fasse l'unanimité, que tout le monde ne sois pas touché comme moi par son message de liberté, anti-système et prohumain, parce que, c'est vrai que ces idées, c'était juste du sous-texte.


J'sais bien que l'intérêt de Point Break, le vrai, c'était avant tout ses scènes d'action, c'était la confrontation entre deux acteurs en vogue, c'était son adrénaline, ses vagues monstrueuses, et la musique qui nous emporte. J'sais bien que c'était juste un film gentillet de Bigelow dans l'fond - qui fait que des films gentillets d'ailleurs j'ai l'impression en explorant un peu sa filmo' - pas prétentieux, un peu cul-cul, un peu second degré, au point qu'on le cite dans Hot Fuzz et dans Brice de Nice en tant que référence en carton.


Ouais, j'sais tout ça. Pourtant...


Pourtant, j'aimerais bien être comme Behind_the_mask avec sa comparaison sur les biscuits, pour qui le seul nom de Point Break évoque un doux plaisir sucré.


J'aimerais, mais j'y arrive pas. Je sais que le film de 91 n'a rien, en vrai, d'exceptionnel. Mais quand même. Quand même.


Est-ce qu'on était obligés de le dépouiller à ce point-là ?


Ce film est une telle pute, un tel épouvantail, que je suis même d'accord avec le vlog de Durendal putain. Encore, si il n'avait fait qu'emprunter le nom du film... ce serait pas un vrai remake...on aurait pu s'en tenir là.


Mais non, il fallait qu'ils gâchent tout. Il fallait qu'ils reprennent tout un petit paquet d'éléments de Point Break le vrai, il fallait qu'ils s'emmerdent à coller à l'original, à faire un vrai remake. Pour qui, pour quoi exactement ? Pour les fans du premier film ? Je ne comprends pas... Ce film ne fait que saccager son prédécesseur pourtant. Alors c'est juste pour le nom ? Le vrai Point Break n'est pourtant pas une grosse référence... ni un énorme film culte. On aurait pu le laisser tranquille.


Alors je vais vous dire. Pour tous ceux qui envisageraient d'aller voir ce truc pour une raison X ou Y, parce que certains grands malades (je pèse mes mots) vont défendre le film en disant que c'est bien quand même, que les gens sont trop sévères avec lui... C'est faux. Les gens sont beaucoup trop tolérants envers ce film. Je vais vous dire pourquoi.


L'histoire n'a aucun sens. Il suffit de comparer avec l'original pour s'en rendre compte.


Dans ce film, Johnny Utah est avant tout un sportif de haut niveau (snowboard et BMX, ce sera important pour la suite) célèbre sur youtube qui fait de la promotion pour des boissons énergétiques, mais il arrête tout suite à la mort accidentelle d'un de ses amis avec qui il fait une vidéo. Du coup, il va au FBI pour changer de vie, avec cinq ans de retard sur ses études.
Déjà on se rend compte d'emblée que ça pose un problème d'enjeu par comparaison avec le vrai Point Break où un des intérêts était de voir l'évolution du personnage de Johnny Utah alors qu'il apprend le surf ce qui lui permet d'accéder, au contact d'une fille, puis de Bodhi, à une nouvelle façon de voir et de vivre la vie.
Ici on comprend rapidement que comme les braqueurs sont des polysportifs (d'après le film) le mec qui doit s'infiltrer parmi eux (beaucoup plus au pif cette fois par contre, il n'y a pas de réelle piste qui mène aux personnes précises avec qui Johnny Utah rentre en contact) doit déjà être un sportif chevronné pour que le film puisse garder un semblant de cohérence, parce qu'un mec lambda du FBI tu vois, il pourrait pas faire tout ça.


Oh mais attends, tu ne sais pas ce que font les méchants dans ce film en fait ?


Bah c'est simple, tu vois, contrairement au vrai Point Break où Bodhi et ses potes prenaient l'argent juste pour parasiter le système et en sortir, ici, Bodhi et ses potes font... un peu n'importe quoi.


Un coup ils prennent de l'argent pour le lâcher au-dessus des gens dans la forêt (??), un coup ils font juste des sports extrêmes avec du matériel qui coûte très cher, et puis des fois entre les épreuves censées être pour rendre hommage à la beauté de la planète (??) ils doivent rétribuer à la Terre ce qu'elle leur offre (??) et c'est à ce moment là que par exemple ils font s'écrouler des camions remontant d'une mine d'or pour que.. l'or retombe dans la mine ??
D'ailleurs même les épreuves en elles-mêmes ont tellement peu de sens qu'il y en a une que chacun interprète comme il veut (??) ou d'autres sont tellement des hommages pertinents à la Terre qu'elles nécessitent forcément du matériel qui permet des prouesses pas vraiment ancestrales on va dire (genre une descente en wingsuit).


Mais ce qu'il y a de plus con avec cette histoire d'épreuves, c'est qu'au-delà du fait que ça offre les seules scènes "intéressantes" et bien réalisées du film, elles ne sont pas là pour créer ou même présenter une quelconque symbiose entre les différents personnages, il n'y a aucun rapport avec la force des sensations qu'on ressent en faisant des sports extrêmes (à part une unique fois où ils sont tout fiers), le film donne beaucoup plus l'impression que c'est soit pour eux leur devoir - leur voie - soit juste parce que bah... ça en jette de faire du sport, lol.
Pire encore, là où le film nous prend vraiment pour des cons, c'est que dedans Johnny Utah qui est juste un adepte de snowboard et de BMX (et qui a tout arrêté depuis sept ans, mais bon, on va pas être trop pointilleux hein !) arrive toujours sans aucun problème, sans formation et sans même que ça le fasse évoluer, à tout réussir du premier coup. Il est même meilleur que les autres par moments, eux dont on ne connaît pas du tout le background et qu'on pourrait supposer bien plus polyvalents, entraînés, après tout c'est leur rêve putain. Du moins, c'est censé l'être dans le film. Ici Utah surpasse les mecs en 2'2, la seule fois où il se fait défoncer c'est dans leur fight club de l'ancienne gare de Paris (??????).


Donc déjà y a pas vraiment de discours ni de logique derrière les actions des braqueurs... Oui on a bien une scène explicative avec Teresa Palmer qui raconte un peu sa vie et celle de Bodhi, et celle d'Ozaki qui a inventé ces épreuves que visiblement tous les sportifs du film connaissent même si c'est quand même flou... Et c'est là qu'on a droit à des dialogues dignes du scénariste de Time Out, du genre les baleiniers sont plus forts que les idées, l'important c'est de trouver sa voie et pour la trouver il faut arrêter de la chercher, et tout un vocabulaire qui mélange de façon ignoble des idées hippies, de Green Peace ou New Age qui justifient tout à fait le néant absolu qui sert de logique aux personnages. De toutes façons Teresa Palmer est surtout là pour faire semblant de créer un love interest, offrir une scène de cul et sinon se montrer à moitié nue tout le temps, en gros, faire une copie complètement pourrie de Tyler, le personnage de Lori Petty, dans le vrai Point Break.


Non seulement donc y a aucun message cohérent à voir dans les actions des antagonistes, aucun sens à ce qu'ils soient les anciens présidents non plus, mais en plus y a aucune relation qui se crée entre Johnny Utah et les autres personnages. Mais genre AUCUNE.


La seule minuscule ambiguïté tient uniquement du fait que Utah ait déjà été un grand sportif, mais à aucun moment on ne le sent ni évoluer, ni être tenté par le fait d'abandonner sa mission, ni même d'être un tout petit peu fasciné par Bodhi... Il n'a jamais aucune émotion contrastée, aucune hésitation. Il se dévoile d'un seul coup en criant qu'il appartient au FBI, et Bodhi s'en fout complètement. En fait, c'est même pire que ça : les copains de Bodhi (qui sont aussi peu travaillés que dans le film original, sauf qu'ici il n'y a même pas de Rosie), pendant une bonne partie du film - et avec raison - ne comprennent même pas pourquoi Johnny Utah veut de façon complètement artificielle faire du sport avec eux et les suivre partout. Sérieusement, ce mec se comporte beaucoup plus comme un pot de colle, son infiltration est la pire qu'il est possible de concevoir. Si dans le vrai Point Break ça marchait justement parce que Johnny apprenait le surf et évoluait, si ça marchait parce que son contact était une ex de Bodhi et que ça lui permettait progressivement de créer des liens avec Bodhi et ses potes, là il n'y a strictement rien de tout ça.


En fait c'est même pire car la bande de Bodhi ne se distingue même pas par son esprit d'équipe qui permet de les identifier par rapport à leur façon de faire leurs braquages : ils n'ont même pas l'air d'être amis, juste d'aimer faire des sports extrêmes ensemble, en gros les types sont identifiables juste parce qu'ils prennent des risques complètement fous et calculent très bien leurs trajectoires. Rien à voir avec une symbiose humaine puisque le film s'acharne à parler du rapport entre l'humain et la planète, si bien que les personnages qui font des trucs ensemble ne semblent même pas connectés les uns aux autres (il suffit de voir quand il y en a un qui meurt en snowboard, tout le monde s'en fout et c'est Johnny Utah qui a l'air d'être le plus affecté, le mec se fait remplacer easy lors de l'action terroriste suivante et tout ça sous couvert de conneries type t'inquiètes, c'était sa voie !).


C'est là où le film en deviendrait hilarant si il n'était pas en train de souiller de tous ses pores un cadavre de 25 ans, parce qu'il s'amuse à reproduire la scène où Johnny tire en l'air en hurlant car incapable de tuer Bodhi de sang-froid... sauf que la scène, qui était culte dans le vrai Point Break sans être forcément sa meilleure, n'a ici plus aucun sens, étant donné le vide monumental de relation, et même de dialogues entre l'ensemble des personnages. J'ai l'impression qu'il y a eu beaucoup plus d'échanges pour dire "casses-toi, on t'aime pas, on sait pas qui t'es, qu'est-ce que tu fous là en fait ?" que pour des vraies discussions (de toutes façons celles-ci tournent presque tout le temps autour de la Terre, ta voie, ma voie, etc, mais bon, vous avez compris à force !).


Et bien sûr, quitte à souiller, autant aller jusqu'au bout... alors à la fin, le film va nous servir la pire copie possible de la fin du vrai Point Break, avec son épreuve de l'eau où Bodhi veut surfer sur une vague géante... Mais plutôt que d'un quelconque enjeu comme dans le vrai Point Break avec Johnny qui hésiterait à capturer ou à laisser filer, où on sentirait toute l'ambiguïté de ses sentiments vis à vis du système, du FBI, de Bodhi... Non... Non... On a juste... Johnny Utah qui descend d'un hélicoptère sur un bateau, qui voit Bodhi, et qui ont à peu près cet échange-là :



  • Hé Bodhi, je t'ai retrouvé !


  • Ah tiens Johnny, comment tu as fait ?


  • C'est facile, t'es le seul con sur un bateau avec une mer déchaînée et des vagues de 60m de haut !


  • Bien vu Johnny... et alors ? Tu viens faire quoi ?


  • Je viens pour te sauver, tu va crever si tu va là-dedans, au cas où tu serais trop con pour t'en douter !


  • Non laisse moi...


  • Pourquoi ???


  • Parce que... C'EST MA VOIE, JOHNNY ! Et puis regarde, c'est pas beau ? C'est pas beau ça ? Ces petites vagues de 60m de haut ?


  • Okay donc tu veux crever... Bon bah ça me va, j'y vais, salut !


  • ON SE REVERRA JOHNNY !



Voilà. Voilà ce qu'est Point Break 2016. C'est ça et ensuite une scène avec une vague géante et une incrustation super mal foutue de Edgar Ramirez qui surfe. Et ensuite on voit Johnny Utah, pas qui jette son insigne du FBI, non non, mais qui refait du snowboard. Oui, ça l'a réconcilié avec le sport tout ça. En voilà une belle évolution psychologique.


Putain.


Et j'vous parle pas du reste... La BO est insignifiante (surtout en comparaison avec la vraie BO du vrai Point Break)... Le casting l'est tout autant. Luke Bracey est à peu près aussi peu expressif que Keanu mais je ne crois pas que ça tienne de l'exploit, et son look fait plus penser à un personnage de Bodhi que celui de Ramirez... J'vous parle même pas de leurs tatouages IMMONDES (mais vraiment) qui sont là, vraiment, comme les scènes de sport, juste pour la frime, l'image.


En bref, c'est très représentatif du film. Ce film, c'est une putain de coquille vide. Y a quelques belles images, et le reste c'est un cadavre qui date de 25 ans qu'on manipule avec des énormes ficelles accrochées partout. Et dont on a allègrement pissé sur l'âme.


Alors d'accord, ça se voyait avant la sortie que le film allait être mauvais. Mais devait-il vraiment l'être à ce point ? Le but caché d'Ericson Core est-il de faire voir le vrai Point Break comme un putain de film incroyable ? Parce que franchement le seul effet positif que provoque ce film c'est qu'il donne envie de revoir l'original, juste par contraste.


Bon, voilà, ce film me désespère vraiment profondément, alors si vous lisez cette critique, respectez je vous prie mon sacrifice qui m'a poussé à aller le jauger dès sa première semaine de sortie. C'est à dire : n'allez pas voir ce film. N'encouragez pas cette production. Ignorez-le, faites-le disparaître et laissez les perdre de l'argent.


Parce qu'on ne sait jamais... ça pourrait être votre film culte le prochain remake.

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le 10 févr. 2016

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Lyusan

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