Maïwenn a mis la chanson de l'Ile aux Enfants sur son générique de début ("voici venu le temps des rires et des chants", vue la suite, je crois que ça signifie que le monde de l'enfance n'est pas si rose que ça... si si...) mais elle aurait peut-être dû choisir Candy, vous savez celle au pays de qui, comme dans tous les pays, on s'amuse, on pleure, on rit, il y a des méchants et des gentils. Parce que pendant deux heures, on va s'en bouffer des lieux communs sur le genre humain, façon café du commerce. En gros, pour résumer la pensée de notre philosophe sur le terrain "ouais mais bon, les choses sont plus compliquées qu'elles n'en ont l'air". Tellement plus compliquées, que très vite, elle lâche l'affaire Maïwenn, un peu comme le personnage qu'elle interprète. Plutôt que de se prendre la tête à construire un discours articulé, autant accumuler de la matière, les gens feront le tri... ou pas, d'ailleurs on s'en fout. Puisqu'on vous dit que le monde c'est un sacré bordel. Mais avec des pépites de bonheur dedans hein, tout n'est pas foutu.

Mouais...

Personnellement, je trouve que cette galerie de gens-sur-les-nerfs-mais-quand-même-dans-le-fond-sympas-c'est-normal-ils-font-un-boulot-pas-facile-mais-il-faut-bien-que-quelqu'un-le-fasse plongés dans un univers-déguelasse-ouais-mais-aussi-y'a-des-excuses-sauf-quand-y'en-a-pas, est surtout une nouvelle confirmation qu'il faudrait voir à arrêter de faire des enfants. C'est encore la façon la plus simple pour que toute cette mauvaise plaisanterie cesse d'elle-même. Viols, agressions, mensonges, pauvreté, drogue, désespoir, arrogance d'un côté, mauvaise foi, agressivité, haine, égoïsme, mesquinerie, lâcheté de l'autre, Maïwenn a beau essayer d'enrober tout ça dans un regard d'une mièvrerie sans nom, n'empêche, le tableau qu'elle dresse malgré elle de l'humanité est accablant. Ou, pour dire autrement, je suis sorti de là avec une grande envie de Nature dépeuplée et sereine.

Bref, passons.

Et parlons un peu de la forme adoptée pour nous asséner ce pensum bien pensant. Hum alors là, oui, j'hésite... c'est soit un brûlot génial digne du cinéma expérimental le plus pointu, soit une affreuse bouse. Dilemme. Je vais peut-être faire comme Maïwenn, je vais vous raconter comme ça me vient, c'est fatigant de réfléchir. (Bâillements. Hop, la main plongée à même le pot de Nutella. Mmmm c'est bon. Allez, on s'y remet). Donc. Imaginez 60 épisodes de "caméra café", de "scènes de ménage", et de "un gars une fille" mis bout à bout mais dans le désordre. J'ai eu parfois, je l'avoue, le vague soupçon que Maïwenn n'avait à aucun moment eu la moindre intention de penser à de quelconques effets de narration, et que pour elle le mot structure était une grave insulte, voire un crime contre l'humanité mais si ça se trouve, c'est postmoderne, c'est moi qui n'y comprends rien.
J'ai par contre beaucoup aimé l'impression d'assister à un stage afdass pour comédiens sur le retour (ah ben si y'a même Anthony Delon), style "et on dirait qu'il faudrait jouer des gens normaux alors que, désormais, on est devenu des gens extraordinaires". Que voulez-vous toute cette humilité et cette sensibilité hors du commun face aux souffrances des vrais gens, discrètement tapie au fond de la prunelle, moi ça m'émeut. (Mention spéciale à la merveilleuse Marina Foïs, la seule qui comprend, mais un peu tard, que la meilleure chose à faire, c'est de quitter le film avant la fin).

Enfin, soyons rassurés, Pierre Aïm est toujours le plus mauvais directeur photo français.
Chaiev
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le 22 oct. 2011

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