Polisse est typique de ce cinéma français qui cherche à tout prix à atteindre le réalisme. La pelloche est grise, comme dans la vraie vie. Les acteurs font la gueule, mâchent leurs mots et leurs dialogues sont parfois parasités par des phrases inutiles et des fautes de langage... Comme dans la vraie vie. Mais là où, racontées comme ça, trop d'histoires banales sont plates et ennuyeuses à en crever, c'est le travail de documentation exceptionnel de Maïwenn qui fait ici toute la différence.
Tout journaliste caméraman vous dira que dès qu'on filme quelqu'un dans sa vie de tous les jours, son comportement change. Seul un calepin permet d'espérer apercevoir un peu de vérité dans ses mots et ses relations avec les gens. Et encore ! Quel flic oserait boire son ricard devant un étranger qui surveille ses moindres faits et gestes ?
C'est ce problème qui hante tous les journalistes qu'a réussi à court-circuiter la réalisatrice, avec brio. Paradoxalement la fiction montre bien mieux la réalité d'une brigade de protection des mineurs.
Maïwenn a rencontré et suivi de vrais policiers, s'est infiltrée dans leur quotidien, s'est empreinte de leurs expressions, de leurs manières, de leurs façons de penser, et en a peint un tableau photoréaliste avec toute la rigueur d'une bonne journaliste. Un tableau qui semble bien plus vrai que n'importe quel reportage sur la police sorti à ce jour.
Comble de ce souci de rigueur ! On peut imaginer qu'elle a tenu à assumer les petites distorsions de la réalité que sa présence a pu causer lors de son enquête : on remarque qu'elle a tenu à jouer son propre rôle d'observatrice (ici une photographe).
Même pour ceux qui rejettent ce cinéma français tristounet, ce film est donc incontournable. Tout simplement parce que c'est la meilleure production journalistique sortie depuis le Quai de Ouistream. En tout cas, c'est la plus originale.