Porco Rosso
7.7
Porco Rosso

Long-métrage d'animation de Hayao Miyazaki (1992)

Un Miyazaki qui ne décolle pas pleinement

Avant de se faire connaître à l’international avec son magnifique Princesse Mononoké, ce cher Hayao Miyazaki était d’abord passé par bon nombre de réalisations (dont Nausicaä et Mon voisin Totoro). Et parmi celles-ci se trouve Porco Rosso, son dernier dessin animé dans l’ignorance mondial (sorti en 1992 au Japon, en 1995 chez nous, c’est pour dire !). En même temps, il ne rien se cacher : qui aurait pu s’intéresser aux mésaventures d’un pilote d’hydravion tête de cochon ? Surtout que niveau script, Miyazaki nous a habitué à plus subtil et moins enfantin.

Pourtant, sur le papier, Porco Rosso se présente comme un film d’animation pour grandes personnes. Notamment avec les thèmes qui y sont traîtés (la guerre, l’Italie de l’entre-deux guerres, la politique, l’aviation…). Sans oublier l’ambiance qui règne dans Porco Rosso, qui fait aussitôt penser aux films mettant en scène Humphrey Bogart ou encore Clark Gable. Surtout avec le personnage principal, héros solitaire et séducteur qui se montre assez bougon par moment. Rajoutez à cela des décors qui reflètent à fond les années 20 (époque durant laquelle se déroule l’histoire) et une bande son assez réussie de la part de Joe Hisaishi (compositeur attitré de Miyazaki) qui sent bon l’ambiance italienne, et Porco Rosso gagne en maturité !

Et pourquoi un pilote à tête de cochon ? S’inspirant sur ses propres bandes-dessinées, Miyazaki raconte l’histoire d’un homme qui, pour rester en vie alors qu’il était entre la vie et la mort (scène représentée de manière métaphorique dans le film et qui, à elle seule, reflète le cinéma de son auteur, possédant une poésie hors normes), opte pour cette tête-là. Une manière de symboliser le côté solitaire de son héros. Un pilote qui préfère s’isoler et ne venir qu’au secours des personnes dans le besoin, mais qui a perdu toute foi en l’humanité. Et quand certains protagonistes commencent à le voir tel un véritable humain, c’est pour dire que sa foi resurgit petit à petit.

Cependant, Porco Rosso est loin de figurer parmi les meilleurs titres de Miyazaki. La faute au traitement du film, vraiment trop enfantin ! Étonnant de sa part d’ailleurs, quand on voit ce que le réalisateur nous a livré d’autres dans toute sa carrière. Primant toujours la poésie, l’ambiance et la morale. Ici, on ne fait que suivre le parcours de ce cochon héroïque qui affronte des pirates de l’air. Et il a beau user des flingues et de son hydravion, à aucun moment on ne ressent la moindre violence caractérisant la guerre. Porco Rosso est bien trop sage à ce niveau, et n’arrive jamais à faire décoller les ambitions de Miyazaki citées plus haut.

La faute notamment à une animation splendide au niveau du dessin, mais qui ne se montre que trop rarement mature. Surtout avec des personnages secondaires qui s’agitent dans tous les sens, comme dans les séries animés du style Pokémon and co. Sans oublier le fait que Porco Rosso ne propose à aucun moment d’instants spectaculaires ou qui en jettent. Au lieu de ça, il décide de terminer son film par un duel qui tourne au ridicule (l’effet comique prenant le pas sur l’ensemble), retirant le message de ce passage (faire la guerre est absurde quand on voit l’état déplorable des deux combattants). Avec une ambiance qui flirte bien trop souvent à l’humour et la légèreté, comment voulez-vous que les idées de Miyazaki passent pleinement ? Surtout pour des enfants ? Ils ne verront qu’un cochon pilotant un hydravion et prenant sous son aile une jeune fille qui va l’aimer au fil de l’aventure. Ni plus ni moins. Adieu les symboles et métaphores du script. Bonjour à un hommage divertissant sur l’aviation qui amusera les plus jeunes !

Porco Rosso n’est vraiment pas un mauvais dessin animé en soit. Il est même très bon comparé à d’autres qui se fichent royalement de la tête du spectateur. Mais il est vrai que de la part de Miyazaki, on en attendait autre chose. Un film animation de réelle envergure aussi bien dans le fond que sur la forme. À la place, c’est une aventure distrayante qui s’offre à nous, arborant l’ambiance des films des années 20. Et offrant de temps à autres quelques trouvailles visuelles délectables (des marins se réunissant pour former une flèche et ainsi indiquer la direction à suivre). Normal alors que l’on parle bien plus des autres dessins animés, véritables chefs-d’œuvre (Le château dans le ciel, Princesse Mononoké, Le Voyage de Chihiro, Nausicaä, Le château ambulant…) que ce Porco Rosso.

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