Ce documentaire manque d'aboutissement, beaucoup de thèmes sont abordés, mais pas assez approfondis et beaucoup sont ignorés. La ligne conductrice est l'évolution du monde du divertissement pour adulte sur les quinze dernières années vu par une actrice / réalisatrice des années 90 puis début 2000 revendiquant son côté plus intellectuel et féministe que les autres. C'est à dire qu'il y a des biais monstrueux. Elle s’appesantit sur les externalités qu'ont pu subir les petits studios artisanaux et les acteurs -surtout actrices en fait-, comme si c'était forcément mal moralement.


En gros le documentaire dresse une évolution du porno local distribué en DVD/VHS et chaîne payante vers du streaming gratuit sur Youporn / PornHub / Xvideos / Xhamster ... mondial. Que ce mouvement de dématérialisation a provoqué la mort de beaucoup des intermédiaires traditionnels, que le mouvement de globalisation a paupérisé les acteurs et réalisateurs ce qui a introduit dans le même temps de la surenchère sur les contenus et pratiques, et qu'enfin on a assisté à une phase de concentration des grosses compagnies de streaming en plus ou moins une seule, que cette compagnie n'est pas rentable sur l'activité de streaming (le DVD/VHS 2.0), mais elle l'est pour les activités de camgirls (le peep show 2.0), et que ces activités de streaming servent surtout à justifier des mouvements de capitaux mondiaux dans le but de blanchir des fonds douteux d'origine juifs (avec gros coup de fluo sur Israël et insistance sur Goldman Sachs si on a pas compris).


Bref, elle a l'air de se désoler de la chose. Moi je me dis que le porno à la base était financé par la pègre, ça n'a pas vraiment changé, les acteurs et actrices travaillaient longtemps dans des conditions déplorables à part pour une minorité, exposés à des maladies, obligés de prendre des drogues et produits pharmacologiques pour endurer les choses (femmes comme hommes), gagnant peu par rapport aux risques encourus (se souvenir par exemple de la vie de John C. Holmes, superstar des années 70 obligée de tapiner pour se payer sa drogue à laquelle il était devenu accro avec les tournages, pour finalement crever du SIDA). Bref à part une petite parenthèse dans les années 80/90 où ça c'était amélioré surtout pour les actrices qui gagnaient beaucoup plus que les hommes (on ne les entend pas trop là dessus les féministes) c'était le lot classique. Elle plaint les camgirls qui subissent la concurrence "déloyale" des pays les plus pauvres comme la Roumanie, la Colombie ou l'Asie pauvre. Elle plaint les actrices qui doivent s'aligner sur les tarifs bas acceptés par les gens qui ont un coût de la vie faible en Hongrie ou en Russie et qui acceptent tout quitte à prendre des relaxants musculaire de salle d'accouchement et des anesthésiques pour ne rien sentir pendant que des mecs en nombre eux aussi shootés aux produits pour bander et qui ne ressentent plus rien, les détruisent, littéralement sans effet de style, à la limite du snuff. Ils me font rire ces gens qui essayent de se faire passer pour les saintes nitouches d'un porno de la "belle époque" avec ces codes, eux qui promouvaient il y a deux décennies des trucs déjà trash que les femmes n'auraient jamais accepté dans leur vraie sexualité à part celles avec des problèmes mentaux (style double pénétration, sodomie sans lubrifiant, éjaculation faciale dans les cheveux, éjaculation interne avec un inconnu, bukkake, simulation de viol, cul à bouche (plus connu sous le nom ATM ou ass to mouth)...), sur des femmes dont la plupart venaient de milieux marginaux ou minoritaires (très fortes surreprésentation des beurettes en France par exemple) ou qui avaient souffert d'abus dans leur enfance, d'ailleurs régulièrement à cette époque elles se suicidaient (Karen Lancaume en reste l'exemple le plus connu). La nostalgie d'une époque qui n'avait rien de belle en fait, à part que certains en vivaient bien.


En fait ce qu'on voit ici ce n'est rien de plus que les conséquences de la paupérisation de la jeunesse en général qui doit en faire toujours plus pour toujours moins (des études de plus en plus longues pour des stages toujours plus longs et des premiers emplois de plus en plus mal payé en proportion du SMIC), qui se retrouve en concurrence déloyale avec la mondialisation avec des gens qui peuvent demander moins car ils ont un coût de vie plus faible. Et la critique du streaming qui vole les droits d'auteurs et qui concentre les acteurs économiques, on peut tout aussi bien la faire pour la musique où désormais seuls une vingtaine d'artistes en vivent excessivement bien au niveau mondial, mais que pour beaucoup d'autres, y compris connus, ce sont les vaches maigres. C'est pareil dans le sport aussi, c'est l'heure des répartitions de revenus selon des lois de puissance, "winner takes all".
L'industrie porno qui est devenue un sous jacent spéculatif ou de blanchiment, on ne l'a pas observé qu'ici, mais aussi avec les denrées alimentaires ou immobilières avec des externalités beaucoup plus fortes -en particulier en 2008 avec crise des subprimes et crise alimentaire mondiale avec début de famine dans certains pays d'Afrique en bout de la fille d'attente des gens à servir en premier- que dans le cas de porno.
Bref rien de neuf, c'est le monde moderne, et comme ça touche le porno, quelque part moi en tant que français je me dis que ce n'est pas plus mal que des françaises ne tombent pas dans cette vie malsaine dont la désolation est souvent la clé (peu ont l'air d'en finir la tête par le haut comme Ovidie) et qu'on laisse ça à des roumaines ou des thaïlandaises. Que ce mouvement de fond a fait plus pour détruire cette industrie que toutes les lois qui voulaient lutter contre.


En revanche il y a un point qui n'est pas du tout abordé dans ce documentaire et c'est dommage, c'est l'omniprésence du porno dans la vie actuelle des jeunes. Certes ont dit que les filles qui vont aux castings aujourd'hui à 18 ans disent qu'elles connaissent les sites depuis qu'elles ont 8 ans (le moment de leur ouverture en 2006-2008 quoi) et regardent les vidéos, ce qui fait quand même froid dans le dos, même si il y a un gros biais de sélection, elles sont venues en prendre plein le cul contre de l'argent, elles jouent aussi les obsédées. Mais j'aurais aimé qu'on parle des effets psychologiques que ça engendre sur les gens nés après le milieu des années 90, eux qui sont devenus adolescents au moment de l'ouverture de ses plateformes, qui ont formé leur imaginaire, leurs fantasmes. Il paraît qu'il y a une explosion des MST chez ces générations, que de plus en plus d'hommes pourtant dans la vingtaine ont déjà des troubles de l'érection car ce qu'ils peuvent avoir dans leur lit ne les stimule pas assez par rapport à ce qu'ils peuvent voir sur leur smartphone, et qu'enfin il y a de plus en plus d'addictions au sexe en ligne car si dans les années 90 les adolescents se paluchaient une heure par semaine sur une vidéo de Dorcel enregistrée sur canal, aujourd'hui ils peuvent regarder du streaming en se brossant les dents le matin, à l'arrêt de bus avec les potes ou juste avant de s'endormir, des heures et des heures par jour, des contenus bien plus trash et qui en plus se prétendent réels / amateurs / avec orgasmes non simulés, là où une certaine mise en scène des anciens films laissaient quand même moins de doute sur le fait que c'était du cinéma et pas la réalité.

wasabi
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le 17 août 2018

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