Le parti pris de Céline Sciamma dans ses deux premiers films, Naissance des Pieuvres et Tomboy était similaire : des personnages très froids évoluent dans un milieu glaçant et cet isolement naissent les sentiments. Pourtant quelque chose ne prend pas dans le Portrait, et le film semble noyé sous son ambition. La cinéaste, aussi scénariste, opte pour des dialogues entre deux : à la fois très propres à leur époque (les deux femmes ne se tutoieront jamais, plusieurs tournures désuètes sont utilisées) et pourtant tôt à fait modernisés dans leur récit : elles ne font pas les liaisons, les personnages n’articulent pas. L’absence de préciosité contraste avec ce vouvoiement permanent et ces dialogues qui se veulent, par moment, en cohérence avec l’époque. Tout de suite nous sommes mis à distance.
La froideur du ton emprunté par Marianne et Héloïse ne permet pas l’apparition d’un désir, comme c’était le cas dans Naissance des pieuvres. L’admiration qui naît entre les deux femmes est autant prévisible qu’incompréhensible. Car rien ne justifie cet enivrement pour l’autre : on aurait pu imaginer l’artiste s’éprenant de son modèle, sentant monter une fascination qui naîtrait de l’observation secrète des formes du visage ou de la main, mais le sentiment naît communément chez les deux femmes, le regard qu’elles posent l’une sur l’autre est le même. Il n’y a pas de différence de représentation des deux femmes : seuls les regards en coin de Marianne au début du film nous donne à voir quelques gros plans (quel manque d’imagination) sur plusieurs parties du corps d’Heloïse.
Sciamma manque de subtilité dans ce portrait : le capuchon qui choit des cheveux d’Heloise pour nous révéler un premier aperçu de son visage, le moment de relâche et de rapprochement que représente la scène de jeu de carte, le motif du sac et du ressac, mer d’abord comme vecteur de mort puis de renaissance, les femmes chantant à capella, artifice évident...
La chaleur incandescente que nous laissait suggérait le titre, la passion brûlante de sentiments, n’est pas au rendez-vous.
Ici, tout est terne et morne, jusqu’à l’image opaque du film.

Hugoxoxo
3
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes Classement des films de 2019 et Rentrée 2019/2020

Créée

le 16 oct. 2019

Critique lue 363 fois

2 j'aime

Hugoxoxo

Écrit par

Critique lue 363 fois

2

D'autres avis sur Portrait de la jeune fille en feu

Portrait de la jeune fille en feu
takeshi29
8

(Se) retourner (ou non) à la page 28

Pourvu que le 18 septembre prochain, quand sortira ce "Portrait de la jeune fille en feu", les critiques professionnels ne le réduisent pas à un manifeste sur la condition féminine, ou pire à une...

le 19 août 2019

81 j'aime

17

Portrait de la jeune fille en feu
Samu-L
5

A feu doux

Alors portrait de la jeune fille en feu ça donne quoi? Le film est esthétiquement réussi et chaque plan fait penser à une peinture. Le film traite justement du regard et du souvenir. Il y a aussi...

le 16 nov. 2019

68 j'aime

24

Du même critique

Dernier Amour
Hugoxoxo
3

Dernière danse pour Casanova

C'est à Vincent Lindon que Benoît Jacquot confie le rôle de Casanova vieillissant. Ce n'est pas un sex symbol que le réalisateur met en scène : ce Casanova n'est pas le grand séducteur inscrit dans...

le 22 mars 2019

5 j'aime

Portrait de la jeune fille en feu
Hugoxoxo
3

Palais des glaces

Le parti pris de Céline Sciamma dans ses deux premiers films, Naissance des Pieuvres et Tomboy était similaire : des personnages très froids évoluent dans un milieu glaçant et cet isolement naissent...

le 16 oct. 2019

2 j'aime

Spider-Man: Far From Home
Hugoxoxo
1

Spider Man loin de chez lui

Après avoir revu cet été la trilogie de Sam Raimi, ce dernier opus, qui est déjà très mauvais, prouve toute la paresse de mise en scène des films de super héros Marvel : là où Raimi travaillait à une...

le 16 oct. 2019