En regardant le tableau à l’origine du titre du film, Marianne (brillamment incarnée par Noémie Merlant) se remémore un amour passé. L’histoire qui en découle alors est le fruit de ses souvenirs.
En l’année 1770, elle accoste sur les côtes bretonnes pour y faire le portrait d’Héloïse (Adèle Haenel, sublime dans ce rôle) promise à un riche Milanais. Cette dernière refuse de poser, contraignant Marianne à la duper en se faisant passer pour une dame de compagnie. Sans doute était-elle trop attachée à la liberté dont elle jouissait au couvent. – Dans ce contexte, la notion de liberté peut prêter à confusion mais en réalité, elle prend tout son sens lorsque l’on réalise que c’est le socle qu’utilise la réalisatrice pour narrer son histoire. Bien qu’étant un film d’époque, la révolution féminine est au premier plan et résonne encore actuellement. L’homme est que trop rarement présent devant la caméra, ce qui laisse aux protagonistes une liberté infinie. –
Après une première esquisse jugée trop conventionnelle, la peintre s’efforcera de percer le mystère qui entoure son modèle. Au fur et à mesure les deux femmes s’ouvriront l’une à l’autre pour mieux se regarder, se comprendre et par conséquent réaliser un portrait plus juste. De cette complicité naît une attirance inavouée et une passion grandissante dans un premier temps visible à l’écran et ensuite plus explicitement dans les dialogues. Très proche physiquement l’une de l’autre, l’accent est mis sur les gestes et sur les compositions picturales.
Notons aussi que la lenteur scénaristique favorise cette idylle entre les deux femmes.
Comme face à une peinture, nous prenons un peu plus de temps à cerner les petits détails qui façonnent la toile et à l’incorporer. Ce n’est qu’avec patience que l’histoire se découvre, laissant au spectateur le temps d’apprécier chaque élément qui compose l’œuvre en question
Soyons logique avec un mot de la fin sur la scène finale : gros plan se figeant sur le visage d’Héloïse qui, dans un état de langueur, laisse entrevoir des larmes. Contrairement à Eurydice, elle fait le choix de l’amour et décide de ne pas se retourner.