Un personnage de Portrait de la jeune fille en feu demande "comment sait-on que c'est fini?", ce à quoi on lui répond "quand on s'arrête". L'ambigüité consiste à déceler si le fait d'arrêter signifie réellement que c'est terminé. Un doute raisonnable. Pour l'Art (De Vinci affirmait que l'art n'est jamais terminé, juste abandonné) et l'amour.
Pour son nouveau long-métrage, Céline Sciamma tisse une toile de maître en offrant une fresque déchirante à ses personnages, femmes en quête de liberté autant que de vérité. La métaphore enflammée se propage autant dans leur lutte pour brûler ces conventions qu'autour de cet amour qui les consume.
Je reste admiratif de la manière avec laquelle C. Sciamma transmet une variété d'émotions avec un dispositif qui parait à la fois naturel et parfaitement étudié. Chaque plan évoque l'art pictural dans sa disposition, dans son échelle. Jamais un mouvement superflu ou maladroit. Et malgré cette précision dans le trait, rien n'est forcé. Les comédiennes Adèle Haenel et Noémie Merlant achèvent de transformer cette relecture du mythe d'Eurydice poignante.
La première fait de cette colère sourde le ressors émotionnel sur lequel Portrait de la jeune fille en feu se propulse (ce plan final, bouleversant). La deuxième est un bombe à mèche lente qui détonne dans sa dernière partie. Je n'oublie pas les prestations délicates de Luàna Bajrami et Valeria Golino, chacune ajoutant encore plus de beauté à ce tableau tragi-magique.