A la fin du XVIIIe siècle, une jeune peintre est chargée de peindre une future mariée qui résiste à ses noces en refusant de se faire tirer le portrait. Elle va se faire passer au départ pour une gouvernante afin de dessiner le souvenir qu'elle a eu durant la journée, mais un trouble va se créer entre les deux femmes.
Le souvenir du film était surtout lié pour moi au scandale des César 2020, mais loin de moi l'idée de créer une polémique, il faut juger avant tout une œuvre cinématographique, un peu passée inaperçue en France et qui a eu un certain retentissement Outre-Atlantique, car pour moi la surprise est totale. C'est même une grande réussite, à deux doigts du chef d'oeuvre. C'est une magnifique histoire d'amour qui ne veut pas dire son nom, entre deux femmes qui ne peuvent céder. L'une doit se marier, même si elle n'en a pas envie, l'autre a choisi sa liberté, mais leur addition ne peut se faire, si ce n'est que durant ces quelques jours au sein des plages bretonnes.
A l'image, on croirait voir des tableaux, tant c'est beau à pleurer, où d'ailleurs l'histoire est à 99,99 % féminine, les rares hommes étant des silhouettes. D'ailleurs, il faut dire que tout le monde est formidable, et Adèle Haenel a vraiment tout d'une grande (et elle a un sourire à se damner), et j'en dirais autant de Noémie Merlant.
Mais ce qui est surtout beau, c'est de lier le film au mythe d'Orphée, où Eurydice fut figée parce que celui-ci s'était retourné pour la voir une dernière fois. On le sait, elles le savent, que leur passion ne durera pas, et que chaque instant vécu n'en est que plus beau. Car au fond, elles pourront vivre leur amour interdit grâce aux images, et que cela restera à travers les tableaux peints par Noémie Merlant.
Si le film reste suffisamment léger pour ne pas appuyer son propos, je tique juste sur la scène de l'avortement, avec dans le plan une faiseuse d'anges, la femme enceinte, et un bébé posé juste à côté d'elle, qui semble pour une fois un peu lourd dans la signification. Mais au fond, c'est un seul reproche face aux torrents de superlatifs que je pourrais déverser.
Excepté Bande de filles où j'avais quelques réserves, le cinéma de Céline Sciamma est un sans-faute absolu, et à l'image du dernier plan (un des rares où on entend la musique d'ailleurs), on passe par toutes les émotions devant ce portrait en feu. La marque des très grands films.