Le naufrage du film

Le Poséidon a une histoire étroite avec les films catastrophe : Le film original est un de ceux qui a lancé la grande vague des années 70, et reste encore aujourd'hui probablement un des meilleurs films catastrophe jamais tourné. A la fin des années 70 le genre s’essouffle et justement, la suite en 1979 "le dernier secret du Poséidon" en est un des symboles. Échec commercial assez mérité, le film n'est pas génial.

Les années 90 ont vu une renaissance du phénomène rarement pour le meilleur, avec cette fois l'outil informatique pour soutenir le point de vue visuel... mais qui a déjà bien vieilli. En 2006 le genre est en hibernation à Hollywood depuis le 11 septembre 2001, donc pas de concurrence et de risque de lassitude du public. Le cadre maritime permet de situer l'action autre part que dans une ville, ainsi le public américain ne sera pas effarouché. Le genre est ultra codifié, donc le scenar semble facile à écrire. Et les effets spéciaux se sont bien améliorés depuis les années 90. Donc let's go pour un remake !

En théorie tout va bien, le film a même été validé pour un budget colossal pour l'époque et encore très valable aujourd'hui, et a le soutien d'acteurs comme Richard Dreyfuss ou Kurt Russell. Pourtant...

Les personnages ? Oubliables. Le seul dont j'ai un peu retenu le background c'est celui joué par Kurt Russell. Sinon.... sa fille à part que justement c'est sa fille, non. Son petit ami est incroyablement transparent. Le héros très sûr de lui n'est pas plus marquant que ça. Les autres sont encore moins intéressants. Dans ce genre de films pour être investi on doit être attaché aux personnages, or, là, bof bof. N'est pas Gene Hackman ou Ernest Borgnine qui veut.

Ajoutez qu'on sait très vite qui va ou non mourir. Genre, le gars qu'on prenait pour le comic relief et qui aurait donc du vivre, s'avère en fait être un gros connard qui doit donc mourir. Ce qui ne manque pas d'arriver... 20 secondes après qu'il se soit avéré être un gros connard. Et naturellement il y aura un beau sacrifice, et naturellement le gamin du groupe ne mourra pas... super original.

L'ingéniosité des moyens employés pour survivre et l'ampleur de certaines scènes sont plus grandes que dans la première version. Seulement ça ne suit pas forcément visuellement. Pour un film nominé aux oscars des meilleurs effets spéciaux en 2006, ils sont quand même très inégaux. Certains plans sont plutôt corrects, d'autres en revanche sont assez ratés, trop pour être cités.

De surcroît, là encore on a le droit de l'eau qui monte à vitesse variable si les personnages ont eu le temps de parler ou faire un truc important, d'autres qui peuvent nager sous l'eau 3 minutes sans respirer, même à 70 ans.

Dans ce film une fois le groupe parti, on ne s'arrête quasiment jamais de courir. Or il ne faut pas confondre rythme et rapidité. Se poser de temps en temps pour qu'on apprécie les personnages est nécessaire. Là, quand on le fait, c'est à dire rarement, c'est ultra rushé, outre le fait que les personnages aient des répliques hyper clichées et ou extrêmement plates.

C'est même inconséquent :

Dans une scène vers le début du film, le personnage joué par Dreyfuss est forcé d'en laisser tomber un autre qui s'accroche à lui, car sinon, ils meurent tous les deux. Il doit carrément lui donner des coups de pieds pour le faire lâcher, alors que l'autre le suppliait d'arrêter. Une décision terrible mais pour laquelle on peut se dire "Oui mais, qu'aurais-je fait à sa place" ?

Seulement le survivant, et qui reste un moment dans le groupe, s'en contrefout, cet épisode ne sera plus évoqué une seule fois. Ça aurait été l'occasion de faire une scène où il rumine cette douloureuse décision, c'est un vrai dilemme moral. Dans d'autres films du genre, des personnages qui ont du abandonner d'autres survivants acceptant la mort (ou à défaut sans avoir du les pousser vers la mort à coup de pompes dans la gueule) s'en sont plus voulu que ça. Mais là, il s'en fout complètement, et il n'est pas présenté comme un personnage négatif.

Pareil à la fin, une partie du groupe survit... comme par hasard déjà les hélicoptères arrivent à la seconde près où la fusée de détresse se désagrège, et tout le monde rigole. "Haha, on vient d'échapper à la mort 47 fois, plein de monde vient de mourir, y compris pour certains d'entre nous des membres de notre famille y'a 5 minutes, mais qu'est-ce qu'on se marre !"

Et ce film c'est ça... on regarde la survie de gens dont on se fout, mais y'a plein d'explosions et de scènes spectaculaires et on ne se pose presque pas, du coup on ne s'endort pas non plus. (Qui a dit Marvel ?) Mais il n'a rien compris à ce qui faisait fonctionner l'original et la base de n'importe quel film de survie : Apprécier les personnages. Et oserai-je dire... les situer. Très franchement, même en fin de film, je n'étais pas toujours sûr de qui était qui, et je n'ai retenu aucun nom. Alors que le groupe n'est pas bien grand !

Pas un total ratage... mais pas terrible terrible.