Dernier contact avec le cinéma de Villeneuve

Les films de Villeneuve s'enchainent et se ressemblent. Son patronyme est trompeur. Il fait du vieux avec … de la copie. Des autres et de lui-même. Sur le plan formel tout d'abord le scénario ressemble étrangement à Sicario, les images filtrées aussi, et à tout ce qui se fait chez David Robert Mitchell, Sam Mendes et autres consorts faiseurs, plus ou moins doués, ou plus ou moins bien produit. Le tout mélangé avec l'esthétique du Terrence Malick de Tree of Life. Donc la liste pour la recette de Premier Contact est la suivante : filtre bleu/gris/blanc d'un côté et orange/brun de l'autre, lenteur de l'action, montage idoine et musique épistolaire.
Sur le fond, on ne s'approche pas d'un Rencontre du Troisième Type. Que d'incohérences et d'enjeux peu plausibles. Pêle-mêle : des militaires qui après avoir vu une seule vidéo pseudo-fasciste (de méchants complotistes de la NRA ?) sur le net, décident d'agresser les extra terrestres (ont-ils entendu parler de la court martiale ? Ou bien ont-ils vu Independence Day Resurgence ? Les scénariste oui, en tous cas …), pas d'explications nettes sur comment ils trouvent le code linguistique, de la numérologie symbolique inexpliquée avec les chiffres 8 et 12, et à propos de ces "12" vaisseaux, c'est selon le personnage principale pour nous forcer à collaborer mais finalement elle se débrouille très bien toute seule ! Cette dernière est d'ailleurs sélectionnée parce qu'apparemment elle sait mieux traduire le mot "guerre" en sanskrit que l'un des ses éminents collègues. Peut-on nous expliquer comment un colonel de l'armée américaine pourrait en juger ? Et les visiteurs, ils auraient pas pu envoyer directement leur petite navette ? (bon peut-être réfléchissent-ils autrement que nous). La liste est longue, arrêtons donc là.
Pour en commencer une autre. Celles des clichés surannés et parfois presque nauséabonds. Les femmes sont plus sensibles donc c'est elle qui peuvent "ressentir" les messages des extra-terrestre mais c'est aussi elles qui se sentent mal au moment de rentrer dans le vaisseau. Les physiciens ne servent à rien pendant tout le film mais c'est quand même eux qui débloquent la situation à la fin. Les militaires ils parlent tous comme si leur vie en dépendait. Et surtout les Chinois sont méchants et leur grand général surtout. C'est pour ça que la production a choisi un acteur qui fait toujours le méchant chinois dans les films, pour être sûr que les spectateurs qui seraient un peu lent devant l'écran ils comprennent bien. Mais au fond il est trop mignon et il aime encore sa femme décédée et c'est peut-être pour cela qu'il est (du coup, un peu) méchant. Bienvenue dans le monde du sous-Shakespeare. Et comme les Chinois sont méchants et forts, les autres méchants finissent par les suivre dans leur idée de folie meurtrière, à savoir les Russes et les Soudanais. Que du gros méchant. Pas d'inquiétude, une américaine va sauver le monde. Cela aurait pu être un homme, bien évidemment.
Vous l'aurez compris, le film collectionne les invraisemblances et il est certain que des critiques se voileront la face en disant qu'il est beau et poétique. Parfois même "contemplatif". Du coup beaucoup auront l'impression de voir un film intelligent et de l'être soi-même alors qu'en réalité le film compile tout ce qu'on a vu dans les films avec des aliens depuis quarante ans. Il n'y a que le côté pythie de Delphes du personnage principal qui est intéressant et un peu intriguant. Mais il est utilisé pour un coup de théâtre final à la Fincher.
Et puis franchement, comment nous faire croire encore qu'une langue aussi tardive que l'anglais puisse encore être utilisée par des linguistes et scientifiques pour s'adresser à des extra-terrestres ou même ensuite servir de base de traduction ? Le fait d'utiliser des notions aussi complexes que le mot "humain" ou les prénoms ne semblent pas les déranger. En rencontrant un être sidéral, ne devrait-on pas réfléchir à se servir d'un code plus universel ? Les nombres, les mathématiques par exemple ? Un code binaire ? Ou une écriture ancienne, plus directement liée aux chiffres comme l'hébreu ou le sanskrit, qui est d'ailleurs cité ? Non, bien sûr. On veut nous faire croire qu'il s'agit d'un film intimiste d'extra-terrestres et au final on reprend en substance le scénario vu mille fois, en rajoutant une couche de pseudo-féminisme à la mode.
Quant à la direction d'acteur, elle est toujours aussi erratique chez Villeneuve. Même Amy Adams, souvent impeccable, est moins convaincante que dans un blockbuster comme Batman v Superman. Les autres remplissent des rôles purement fonctionnels à l'épaisseur psychologique d'une feuille de papier à rouler.
Enfin certains trouverons le film "beau". Soit. Cette année il y a eu The Assassin, d'une certain Hou Hsiao Hsien, qui, lui, est beau. Bien sûr qu'il ne s'agit pas de la même chose. Evidemment. Mais le formalisme actuel vu dans tant d'autres films peut-il encore être appelé beau ? Et surtout la palette de couleurs choisie est tout de même supposée être en lien avec le sujet, avec le fond. Ici cela reste un présentoir.
Au bout du compte un film qui fait l'inverse de ce qu'il prétend, de ce qu'il montre, lent, aux moments sans grand intérêt scénariste, elliptique, quand il faudrait donner au moins une piste, sinon une explication, feignant d'ignorer le pathos habituel pour mieux le servir et filmant le tout de manière plate. Non vraiment M. Villeneuve, vos films se ressemblent et se suivent. Au revoir (ou pas) et bonne soirée.