Alors qu’en 2015 Denis Villeneuve a rencontré un succès critique indéniable lors des festivals et des sorties cinéma de Sicario, le cinéaste québécois à la fanbase grossissante planchait déjà, à partir de Juin la même année, sur une adaptation de nouvelle de science-fiction écrite par Ted Chiang du nom de Story of your life, qui se trouve parmi les nouvelles du recueil de nouvelle de science-fiction La Tour de Babylone sorti en 2002. Par ailleurs, le réalisateur est revenu dans sa patrie d’origine pour réaliser ce qui constitue sa première expérience dans le genre de la SF et ce avant la sortie prochaine de Blade Runner 2049 dont le tournage s’est achevée il y a peu.


Parmi les auteurs actuels restant maître de leurs films, Denis Villeneuve a toujours su poursuivre son chemin à travers ses films en continuant de varier ses genres librement au fil de ses dernières années, en passant par le biopic, le drame, le thriller et même le film à interprétation avec Enemy, qui est un parfait prétexte pour devenir arachnophobe le restant de votre vie.


Au-delà de toute la sympathie que je porte à Villeneuve et des espérances que je fonde sur le réalisateur, Premier Contact est surtout l’occasion d’avoir un aperçu de ce qu’il sera capable de nous proposer avec la suite du Blade Runner de Ridley Scott et à quel genre d’ambiance ou d’atmosphère on peut s’attendre. Le ton de ses films étant ce qu’il y a de plus abouti dans chacune d’elle.


Cependant, ici, Denis Villeneuve ne cherche jamais à s’entraîner ou à faire des brouillons pour un potentiel film à venir, et même si cela venait à être le cas à la sortie de Blade Runner 2049, cette adaptation se suffit plus que largement à lui-même en tant que long-métrage indépendante et à part. Mais surtout, elle apporte un vrai bol d’air pur dans ce qu’il propose.


Le pitch d’ouverture n’est pas une innovation, c’est dans son approche qu’il faut la trouver. Cela passer par son rythme, toujours posée, à l’inverse de ce que beaucoup d’autres ont tord de faire dans les films actuels. Chaque interrogation par laquelle passe le long-métrage prend son temps pour y réfléchir et donner une réponse crédible : comment établir le contact avec ces extra-terrestres ? Comment leur apprendre notre langue et peuvent-ils la comprendre ? Que veulent-ils de nous ? Qu’entendent-ils par



offrir Arme



Comment réagissent les autres nations du monde face à cet avènement sans précédent ? Mais sans qu’il n’y ait de réelles certitudes même quand on espère avoir une réponse,cela en devient même réaliste.


Ici pas d’attaque destructrice à la Independance Day (le second comme le premier) ou d’apocalypse sauce La Guerre des Mondes, si on veut parler de Premier Contact, il faut mieux voir du côté de film comme Cocooning de Ron Howard ou Abyss de James Cameron pour y trouver quelques similitudes, la mise en scène ainsi que l’écriture et l’ambiance différenciant cette histoire à base de débarquement extra-terrestre des deux autres films précités. Villeneuve étant un instaurateur d’ambiance confirmée depuis Incendies, on retrouve cette même qualité ici. A l’image d’un long et magnifique plan d’hélicoptère sur la coquille noire des heptapodes avant d’entamer un lent plan rotatif autour du camp militaire installé à proximité, le tout avec le rendu photographique donnant un visuel aussi froid que délectable pour les pupilles.


Et une véritable sensation d’oppression prend le spectateur lors des séquences à l’intérieur de la coquille, la caméra de Villeneuve jouant avec le confinement de la pièce lors de la première visite au niveau des cadres et utilisant toujours de la caméra à épaule pour suivre ses personnages en déplacement. Le tout comblé avec un très bon travail sonore lors des échanges entre humains et extra-terrestres. Si rien n’indique l’invasion, on se sent intérieurement submergé à travers l’imagerie du film et la lumière tantôt claire et pâle dans la salle de rencontre, tantôt amoindrie à l’extérieur du vaisseau.


Ensuite bien sur qui dit Denis Villeneuve dit musique à ambiance, et comme toujours on rappelle Jóhann Jóhannsson pour la partition du film, le résultat étant un rendu atmosphérique réussit même si on n’évite pas quelques coups de pétoires qui étaient évitables lors d’un ou deux morceaux. Cela dit, j’ai un faible pour le morceau final On the nature of Daylight de Max Richter intégré au film.


L’approche du film est très fine, plus curieuse et même souvent intimiste, intimiste lorsque l’on se met à la place de Louise Banks, linguiste et âme solitaire qui se retrouve embourbée dans cette situation et constamment partagée entre fascination et frayeur face aux multiples incertitudes de ses recherches dans lesquels elle s’investit sans cesse. Amy Adams y est d’une profonde justesse et se montre terriblement touchante, aidée par Jeremy Renner qui inspire une profonde sympathie bien qu’il joue un rôle bien plus sérieux que ses personnages habituels à travers le scientifique Ian Donnelly (ce qui ne l’empêche pas de lâcher une ou deux répliques sarcastiques) et le colonel Weber joué par Forest Whitaker ne sombre jamais dans le cliché même si il reste assez secondaire (un peu comme Josh Brolin dans Sicario).


D’ailleurs la galerie des protagonistes suit la même logique que dans les précédents œuvres de Villeneuve, simple mais jamais vide ou pauvre. Le jeu d’acteur et la direction aidant à rendre Louise, Ian et Weber vivant, et les dialogues ne sombrant jamais dans la bêtise ou le superflu. D’ailleurs on pourrait résumer à ce film : le langage, puisque tout se joue sur la compréhension de l’un et de l’autre, c’est tout ce qui déterminera le devenir de nos personnages et les pistes de réflexion porté dessus jouent chacun leurs rôles, un apprentissage qui passe également par l’écriture puisque ce ne sont pas que les hommes qui apprennent à comprendre les heptapodes, mais aussi les heptapodes qui cherchent à décrypter le langage des hommes.


Ce qui fait qu’au final, on ne sait finalement jamais vers quelle direction va aller ce premier contact entre humains et heptapodes (jusqu’au dernier quart qui devient malheureusement un peu plus prévisible). Les trucages visuels étant très maîtrisés également, de même pour le design des extra-terrestres et leur mode de communication en cercle d’encre (ou de fumée, ça dépend comment on se positionne) intelligemment pensé (


la première vraie rencontre physique entre Louise et est aussi beau que stressant, c’est dire


).


Jusqu’au personnage de Louise Banks et au jeu des flashes back/flashforwards (la scène d’introduction du personnage de Banks) remettant en cause ce que nous savons d’elle (même si l'introduction du personnage en début de film est l'un des rares point noir puisqu'elle était beaucoup trop froide par rapport au final du film) : passant de la mère célibataire au passé trouble à la future mère par le biais du pouvoir de vision transmises par Costello et Abbott, les nouvelles visions ne montrant jamais comment va entièrement évoluer sa future relation amoureuse avec Ian et la naissance de sa fille.


Etait-elle mère auparavant et est-elle devenue célibataire ? Est-ce que ce sont des images de son avenir qu’elle a entrevu grâce au pouvoir offert par les heptapodes ou bien des souvenirs mêlés à sont futures ? A-t-elle désormais un contrôle sur l’avenir que les extra-terrestres lui ont permis d’entrevoir ou ne peut-elle que connaître son déroulement ? Est-ce qu’on est en droit d’espérer pour elle, ou est-ce qu’elle ne fait que voir l’inéluctable ? Le fait qu’elle ait pu contacter le premier ministre chinois Shang grâce à une de ces visions rend ce final plus brumeux et laisse libre pensée sur ce que nous voulons croire, pas avec la profondeur d’un Interstellar de Christopher Nolan mais quand même.


En d’autre termes, c’est une belle manière d’exploiter un sujet déjà vu, Villeneuve s’impose tant en terme de style que d’écriture et continue d’élargir le catalogue des genres auxquels il s’attaque de film en film (on le verra peut être faire une histoire d’amour ou un film d’horreur qui sait), après je pense qu’on peut s’attendre à une atmosphère un peu différente avec la suite de Blade Runner. Villeneuve ayant maintenant réussit à se faire une place de choix parmi les auteurs modernes appréciés et Ridley Scott étant à la production de cette suite, le projet figure parmi les rares avec Trainspotting 2 de Danny Boyle à faire partir de ceux que l’on est nombreux à attendre. Si Premier Contact ne convaincra peut être pas tout le monde malgré l'accueil auquel il a actuellement, on a la preuve que le cinéaste québécois saura insuffler une ambiance à ce projet, souhaitons lui bon courage.

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