Cette critique fait partie de la liste "John Carpenter: The Prince of Darkness"
https://www.senscritique.com/liste/John_Carpenter_The_Prince_of_Darkness/1608951


Après l'échec critique et commercial de Big Trouble in Little China, John Carpenter n'a d'autre choix que de retourner dans la case "film indépendants".
C'est donc à cette occasion qu'il signera un contrat pour trois films avec Alive Films (petite société de distribution/production créée par Shep Gordon et Carolyn Pfeiffer) avec un deal de distribution avec Universal Pictures..
Chacun de ces films recevra la (très) modeste enveloppe budgétaire de 3M$, moyennant quoi il aura le fameux "final cut"..


Ce n'est pas cette contrainte qui va freiner Big John (Assault on Precinct 13 avait coûté 100.000$, Halloween 300.000$, The Fog 1M$, donc il sait comment tirer partie d'une somme minimaliste.)


Carpenter ayant trouvé un intérêt certain pour la physique quantique (matière et anti-matière, distorsion de la réalité...), il décide donc d'inclure ce gimmick dans son nouveau script.


The Message (from the future):
https://www.youtube.com/watch?v=EOqyMTfxGt4


Il ne sera donc pas question du Diable, mais de l'Anti-Dieu (variante quantique, donc) dont son engeance est enfermée (de l'intérieur) dans un cylindre de verre et de métal (l'origine et la datation le font remonter à 7 millions d'années en arrière).


Liquide verdâtre aux propriétés psychiques


(toute ingestion de cette matière aura pour conséquence de dérégler la volonté propre de l'hôte


), la descendance de l'Anti-Dieu n'a qu'un seul et unique but: permettre à son géniteur (


retenu prisonnier de l'autre côté du "miroir", soit une porte dimensionnelle


) de s'introduire dans notre réalité (avec des conséquences que je n'ai pas besoin de vous expliquer).


Opening Titles:
https://www.youtube.com/watch?v=NeVrqRehRBI


Les personnages du film sont de jeunes étudiants en science dirigés par le professeur Birack (le génial et regretté Victor Wong) qui est leur directeur de thèse.
Ils étudient donc les théories de la physique quantique, où il est dit que toute réalité est subordonnée à la subjectivité de l'observateur.


Birack est aussi l'ami proche d'un prêtre qui se nomme Loomis (Donald Pleasence collaborant une dernière fois avec Carpenter et dont le patronyme renvoi au personnage dans Halloween).
Celui-ci reçoit des mains d'une "Sentinelle" (gardien faisant partie d'une secte appelée Brotherhood of Sleep, garante d'un secret ancestral dont même le Vatican n'a pas connaissance) la clé du sous-sol d'une église abandonnée...où se trouve le fameux réceptacle.


Il vient donc vers Birack pour lui demander de l'aider à comprendre ce que contient le mystérieux cylindre de verre.
Le directeur de thèse invitera alors ses étudiants les plus doués à l'accompagner dans cette quête de l'inconnu.


Le tournage se déroulera en 30 jours dans trois lieu distincts:



  • l'University of Southern California (la fameuse USCCarpenter et bien d'autre firent leurs études cinématographiques),

  • l'Union Church of Los Angeles (pour les extérieurs du bâtiment religieux),

  • et dans le sous-sol d'un grand immeuble à Long Beach (figurant celui de l'église).


A savoir que cette ancienne salle de bal de Long Beach, menaçait de s'effondrer à n'importe quel moment, ce qui obligea l'équipe du film à signer une décharge aux propriétaires pour éviter d'éventuelles poursuites en cas d'effondrement soudain...


Carpenter appela Donald Pleasence pour lui proposer le rôle du Prêtre, étant donné que tous deux s'entendaient à merveille.
Big John dira d'ailleurs de lui:
"- “Donald was one of my dearest friends in the business.”


Il embaucha aussi deux acteurs issus de son précédent long (Victor Wong et Dennis Dunn) ainsi que l'inévitable Peter Jason (présent dans 7 films de Carpenter).
Les deux petits nouveaux ont été castés de manière traditionnelle (Jameson Parker et Lisa Blount), tandis que pour le cas Alice Cooper, c'est à la faveur d'une précédente rencontre à un match de la WWF (dont Carpenter était friand jusqu'à la fin des 80's) que tous deux restèrent en contact amical.
Il est d'ailleurs à noter que le demi-vélo servant à empaler Etchinson (Thom Bray) est un accessoire dont se servait Cooper sur scène.


Du fait de son maigre budget, Carpenter ne put se payer un maquilleur de renom.
Il opta donc pour Francisco X. Pérez
(crédité en tant que Frank Carrisosa, qui travaillera aussi sur le film suivant de Big John, They Live!)
assisté de Mark Shostrom (Evil Dead 2, From Beyond, Nightmare on Elm Street Part III...)
qui ne sera pourtant pas crédité pour son travail..


Big John dû aussi faire preuve d'inventivité, faute de mieux.


Ainsi, les scènes du miroir


(où l'une des possédées plongera son bras pour aider l'Anti-Dieu à sortir de sa prison)


seront en fait tournées sur un sol plan (la caméra étant fixée de manière à donner l'illusion qu'il s'agit d'un pan de mur vertical) où un bras factice sera plongé dans une solution de mercure emplissant un grand récipient (avec un cadre pour simuler le fameux miroir).


Lorsque Catherine Danforth (Blount) poussera la possédée et que toute deux traversent le miroir, on voit une scène où les deux corps sont précipités dans


une eau aussi noire que la nuit.
Il s'agissait en fait d'une piscine semi-bâchée pour la tenir dans une obscurité quasi totale.
Cette "plongée" dans " l'inconnu" reste un souvenir traumatisant pour l'actrice:


"-It was very dark, and I was uncertain about holding my breath for the shot of me reaching towards the surface. "


Le fameux rêve prophétique (message envoyé depuis le futur par la silhouette - en fait incarnée par Jessie Lawrence Ferguson, qui interprète aussi Calder dans le film - est en fait une scène filmée en vidéo puis passée sur un écran de télé, qui lui-même sera filmé à son tour par la caméra Panavision !
Ce qui donne donc cette définition particulièrement éthérée de l'image.


Pour en finir avec les coulisses du tournage, il y a une scène où l'on voit


l'une des sans-abris courir avec un sécateur à la main, pour poignarder l'infortuné gars couvert d'insectes.


Le "truc" consista simplement à ce que la main reste fixe, tandis qu'un camion chargé de briques roule en arrière-plan, créant ainsi cet effet de déplacement étrange.
Pas cher mais très efficace !


Qu'en est-il du film lui-même?


Énième vision - avant d'écrire cette critique - et toujours le même plaisir à le voir !


Prince of Darkness n'est pas à proprement parler un film d'horreur, mais plutôt un thriller scientifico-religieux.
Car Big John a approfondi son récit (Martin Quatermass étant son pseudo sur ce film) en y insérant:
- quelques notions de bases quantiques (voir plus bas)
- une once d'astrophysique avec l'alignement soleil/lune annonciateur du retour du Père des Ténèbres, ainsi que sa supposée appartenance à une race non-terrestre ayant foulé le sol de la Terre bien avant l'Humanité),
- ainsi qu'un questionnement sur le bien fondé de la Religion en général (les Textes Sacrés ne seraient là que pour dissimuler la terrible vérité, donc la Foi reposerait sur un mensonge).


De fait, le film s'élève bien au-delà de ce qu'il semble être à la base.


Encore une fois dans le cinéma de Carpenter, le fond importe plus que la forme.
Il faut donc passer outre des effets de maquillage cheap, inhérent à ce genre de production peu fortunée
(Carrisosa n'étant clairement pas Rob Bottin ou Stan Winston)
et quelques acteurs un peu falot
(Jameson Parker, Lisa Blount, Jeff Speakman et Susan Blanchard).


Prince of Darkness est un film que l'on ressent, pour peu qu'on ne soit pas hermétique à la science des atomes ni à une éventuelle remise en question de la religion, en tant que telle.


Ainsi, en amenant la théorie quantique dans sa trame scénaristique, Carpenter nous emmène dans la réflexion quant à certains sujets:



  • la réalité matérielle du monde serait déterminée par notre conscience, et celle-ci est unique, mais il faut que deux observateurs humains perçoivent la même chose,


  • la réalité tangible des choses: le vent est réel mais pourtant nous ne pouvons ni le voir ni l'attraper,


  • la notion de matière/antimatière (ensemble de particule/antiparticule) amène donc le terme Dieu/Anti-Dieu et par extension la réalité et son miroir...


  • découlant directement de la matière/antimatière, la notion des particules subatomiques (les neutrons, protons, photons) qui seraient toutes contrôlées par un esprit Universel,



Bref, il faut savoir ne faire qu'un avec les sujets abordés par Carpenter (schéma de principe s'appliquant à bon nombres de ses œuvres) pour être à même de les apprécier à 100% et ainsi passer outre le visuel (effets spéciaux de maquillage, effets visuels, décors).


Donc vous l'aurez compris, Prince of Darkness est un film que j'apprécie énormément.


N'oublions pas que Big John illustre (souvent) ses films par des compositions musicales de son crû.
Et je dois dire que celle-ci est de loin sa meilleure, car plus texturée (chœurs, mélodies amples) et plus sensitive car faisant corps parfait avec le sujet du film.


La fin du film est sûrement l'une des plus fortes de l'histoire du cinéma, car reposant sur le double principe de l'amour et d'une éventuelle annihilation de l'espèce Humaine.


Quand Brian fait le dernier rêve prophétique, il est dit par la Voix:
"-You are seeing what is actually occurring...for the purpose of causality violation", tandis qu'apparait clairement le visage de Catherine.
Lorsqu'il se réveille vraiment (un faux réveil apparaitra dans son rêve, comme dans In The Mouth of Madness, 7 ans plus tard), Brian se lève, va vers le miroir et approche sa main de celui-ci.
Avant que le bout de ses doigts touche la surface dudit miroir, Carpenter coupe brutalement, puis le générique de fin apparait.


Brian Marsh va t-il franchir le Rubicon dans l'espoir de récupérer la femme qu'il aime?
Est-ce que la destinée de l'Humanité est déjà écrite?


Cette dernière image ambiguë achève de faire de ce Prince of Darkness un film inestimable...pour peu qu'on y regarde de plus près...


"You will not be saved by the holy ghost.
You will not be saved by the god Plutonium.
In fact, YOU WILL NOT BE SAVED!"


End Titles:
https://www.youtube.com/watch?v=JloGtsYbGxc


"This is not a dream.
We are using to using your brain as a receiver.
We are unable to transmit through conscious neural interference.
You are receiving this broadcast as a dream.
We are transmitting from the year 1-9-9-9.
You are receiving this broadcast on all the events you are seeing.
Our technology has not developed a transmitter strong enough to reach your conscious state of awareness. This is not a dream. what you are seeing is actually occurring for the purpose of causing a reality revolution."

Franck_Plissken
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le 17 févr. 2017

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The Lizard King

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