Princesse Mononoké
8.4
Princesse Mononoké

Long-métrage d'animation de Hayao Miyazaki (1997)

Mon bas du panier de chez Ghibli, même si encore très bon, c'est dire...

Et pour ce soir :


Princesse Mononoké, 2000, de Hayao Miyazaki, avec toujours d’excellents doubleurs dont notamment celle qui doublait Fio dans Porco Rosso, Adèle Carasso.


Synopsis protecteur : En plein Japon médiéval, quand les dieux et les démons partageaient les terres avec les humains, le prince Ishitaka protège son village de l’attaque d’un de ces fameux démons, incarné dans un sanglier parcouru autour de son corps d’une sorte d’armée de vers noirs. Malheureusement touché par l’enveloppe noir de l’animal lorsqu’il l’achève, il se voit atteint d’une affliction mortelle qui colore son bras droit et se propagera jusqu’à le tuer. Sa seule solution, d’après la chamane du village est d’aller bien à l’ouest pour trouver un remède à sa maladie. Il finit par arriver sur un village qui mène une guerre sans merci contre les dieux de la forêt (avec les animaux et une jeune femme, appelé Princesse Mononoké). Une haine atavique ronge les deux clans, l’un cherchant à pouvoir puiser les ressources de la forêt et y alimenter la forge, l’autre cherchant à protéger la forêt de la destruction des humains…


Suite du cycle de la semaine japonaise apparemment, au tour de Princesse Mononoké de passer sur le grill de la critique. Il y a, comme toujours chez Miyazaki, beaucoup de choses à dire mais tout d’abord, précisons une chose : il est de loin son film le plus violent. Décapitation, démembrement, sang qui perle et qui crache. Des choses qu’on n’a guère l’habitude de trouver chez le sémillant bonhomme. Si le Voyage de Chihiro était un film assez dur pour des enfants, Princesse Mononoké n’est clairement pas à mettre devant les yeux des enfants. Un petit tour sur Wikipedia m’a appris que le film était déconseillé au moins de 12 ans et pour le coup, c’est amplement justifié, le film doit être vu avec un adulte pour faciliter la compréhension de cette violence.


Par contre, il y a une autre chose à dire à propos de cette violence qui n’est cependant pas gratuite. Ce film est clairement le plus à charge contre l’humanité et je ne peux pas m’empêcher de voir Miyazaki comme un vieux bonhomme qui serait loin d’être contre la fin de l’espèce humaine. Ishitaka est ici un observateur de la haine qui appelle la haine et qui tâche de faire barrage des deux côtés. Même son pacifisme n’empêche guère de tuer. La parabole sur l’écologie est également très marquée, avec la forge, présenté comme une immense usine qui recrache une fumée noire qui n’a rien de naturelle ou de saine pour la nature, et qui ne tourne qu’avec les ressources de cette même nature qu’elle détruit.


Pour autant, et c’est de loin la grande force du réalisateur et scénariste du film, il n’y a rien de manichéen dans cette violence. Les animaux se battent contre les hommes car leurs terres sont menacées (et donc leurs vies également) mais les alliances ne se font pas naturellement entre eux pour autant. De plus, c’est bien une humaine, San (qu’on appelle par son sobriquet, Princesse Mononoké), qui se bat avec les loups. Du côté des humains, l’antagoniste principale, Dame Eboshi, qui est montré comme une guerrière qui n’a pas l’intention de reculer, est loin d’être caricaturalement une mauvaise personne, comme en témoigne son affection pour les lépreux qui sont sous sa garde personnelle ou le fait qu’elle a sauvé les femmes des maisons closes où elles vivaient dans des conditions misérables. Personne n’est fondamentalement mauvais chez Miyazaki, tout n’est qu’une question de point de vue, avec les angles morts que ça implique.


Et papy n’est pas seulement pacifiste et écologiste, il est aussi très féministe. C’est une constante presque régulière (sauf à la limite Le Vent se Lève), les personnages féminins sont des battantes qui n’ont pas besoins des hommes pour s’affirmer et à l’inverse, les hommes sont souvent ridiculisés, engoncés dans leurs travers et leurs défauts. Parallèle amusant, on a souvent l’impression que les femmes du village font des fleurs aux hommes en devenant leurs épouses vu qu’elles les voient souvent comme des idiots (ce que leurs actions ont tendances à prouver). Un peu « trop bonne, trop c… », comme si les hommes ne faisaient que tester les limites des femmes et que ces dernières en acceptaient trop jusqu’au jour où la corde rompt… Mais je divague. Bref, ici encore, ce sont des femmes qui défendent le village, village qui est tenu par une femme. Et ces mêmes femmes font tourner la forge. Les films de Miyazaki restent top à montrer aux enfants et surtout aux petites filles pour leur apprendre à être forte et ne pas se laisser marcher dessus ! Mais, du fait de sa violence, celui-là l’est un peu moins.


Pour finir sur les bons points, le dessin reste toujours aussi maîtrisé et beau, et l’animation n’est pas en reste. Tout est fluide, lisible, impressionnant, beau. Enfin, l’écrin est magnifié par les compositions de Joe Hisaishi qui fait du Joe Hisaishi, à savoir des compositions magnifiques et qui restent longtemps en tête ! Mais malgré tout, j’ai quelques réserves sur ce Princesse Mononoké qui reste à mes yeux moins bons que Porco Rosso, Mon Voisin Totoro et Le Château Ambulant. Déjà, je le trouve trop long. Il dure 134 minutes mais je n’aurai pas été contre une vingtaine de minute en moins. Le découpage de l’histoire est un poil déséquilibré sur sa fin. Si on a une introduction, puis une mise en contexte des différents belligérants et de leurs motivations réussis, le dernier acte me paraît trop long, Quelques passages auraient gagné à être raccourcis.


De plus, celui-là est singulièrement sérieux, avec très peu d’humour, ce qui surprend de la part de son auteur qui est pourtant capable de lier des sujets sérieux avec un humour qui permet aussi de relâcher la pression (Remember Porco Rosso qui relate quand même la montée du fascisme en Italie). On ne se tord pas de rire chez Miyazaki, mais on sourit de bon cœur devant certaines réactions et situations singulière. Pas là.


Du coup, le film prend une place assez singulière dans la filmographie du studio Ghibli (pas très loin du Vent se Lève qui a aussi une thématique très sérieuse, quoique bien plus ancré dans le réel). Et je comprends totalement celles et ceux qui donnent une place importante à Princesse Mononoké dans leurs cœurs de cinéphiles, mais à mes yeux, il n’atteint pas la maestria de certains autres long-métrage. Mais ça reste de la très bonne came et très franchement, si on atteignait plus souvent ce degré de finition, ça serait déjà un énorme pas en avant. 7/10

Tony_Gendron
7
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le 14 mars 2020

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Tony Gendron

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