Princesse Mononoké
8.4
Princesse Mononoké

Long-métrage d'animation de Hayao Miyazaki (1997)

C’est une véritable claque sensorielle et visuelle à laquelle il est très difficile, pour ne pas dire impossible, de résister à laquelle nous faisons face avec cette expérience cinématographique. Car c’en est inévitablement une, de celle qui vous fait comprendre pourquoi notre passion cinéphilique est inébranlable et n’est pas près de s’éteindre de sitôt.Ce « Princesse Mononoké » a donné à son créateur le statut largement mérité d’auteur à part entière à un moment ou les films d’animations n’étaient pas autant installés qu’aujourd’hui et n’étaient pas reconnues comme véritables œuvres. Au-delà de ce tour de force, qui suffirait largement à le considérer comme le maitre ultime du monde de l’animé, le grand mérite de Hayao Miyazaki est de rendre son univers foisonnant complétement adulte, et ainsi sortir cette catégorie de films du seul ornement enfantin auquel elle est souvent reliée. Il est difficile de dire à quel point ce tournant majeur a pu marquer un basculement pour ce genre mais il est tout à fait évident de dire que sa place dans le 7 ème art est maintenant affirmé et célébré dans le monde entier. Grâce lui en soit pleinement rendue.

Tellement de choses ont été analysées et décortiquées qu’il est ardu de trouver un nouvel angle critique sur ce long-métrage. Ode à la nature sauvage autant que manifeste contre la barbarie Humaine, il dépeint le crépuscule d’un Empire Féodal Japonais indigne de sa si grande et belle tradition. Empêtrée dans une idéologie guerrière meurtrière, il signifie le basculement identitaire d’une Nation à l’orée d’une reconstruction politique historique. Figures tutélaires hautement légendaires dans l’identification sociale du pays, les samouraïs personnifient la justice protectrice du Temple. Fiers combattants infaillibles, ils sont la garantie de l’inviolabilité du Territoire Nippon et incarnent l’esprit patriotique, tels plus tard les kamikazes au moment de La Seconde Guerre Mondiale. Mais leur image est ici largement écornée, le réalisateur les dépeignant comme agissant à la solde d’un État sectaire dépouillant les braves habitants de la foret pour mieux affirmer sa Puissance Empirique au mépris de toute considération naturelle. Pacifiste convaincu, Miyazaki fait part de son scepticisme entamée envers cette glorification de l’armée et pointe du doigt L’Histoire Belliqueuse de l’archipel. Il glorifie au contraire la résistance pacifique de ce Héros chargé de retrouver le Dieu-Cerf pour libérer L’Âme démoniaque qui ronge Dame Nature.
Usant pour cela de tous les subterfuges possibles, il renvoie dos à dos la matière organique et ses créatures. Il ne s’agit pas seulement d’incriminer L’Homme devant sa responsabilité essentielle dans son comportement crapuleux et irresponsable mais de comprendre en quoi l’un et l’autre sont indispensables à la survie de chaque espèce. La colère des premiers engendrant la haine de ses semblables, l’engrenage fatal de la revanche ne peut que nuire aux êtres vivants.Ainsi,l’immense bestiare qui compose le film est-il significatif de la dévotion que porte le créateur des studio Ghibli à la race animale. Sorte de demi-dieux à l’apparence gigantesque, les louves et les sangliers qui parcourent l’intrigue incarnent la dualité d’une même organisation sociale déchirée entre sa part instinctive vouée à décimer toute activité humaine contraire au cycle de la vie minérale et une conscience hyper développée de la nécessité de cohabiter dans le même espace pour perpétuer une entité pure digne de l’ordre naturel originel. Preuve en en est cette sauvageonne prête à exterminer ses semblables qui n’ont pas su la protéger, caractéristique d’une appropriation animale d’une existence abandonnée à sa propre souffrance et dont la force brute rappelle l’instinct bestiale de L’Humanité. Elle s’adoucira peu à peu au contact de cet étrange compagnon de route qui lui ouvrira le chemin sinueux de sa propre ascendance humaine.

S’il est aussi beaucoup question de forces supérieures et de fantômes hantant les lieux, c’est autant pour les célébrer que pour les sanctifier. La Mémoire des Anciens fait office de transition entre L’Époque révolue et le Nouveau Monde et l’oublier équivaut à une faute grave mais il s’avère indispensable de ne pas vivre dans l’ombre du Passé sous peine de ne pas évoluer. Le Maitre, en bon croyant, respecte les préceptes religieux mais ne les fête pas plus que de raison. Il se garde bien de voir en un quelconque Dieu une solution miracle car il pense que seule l’intelligence supérieure peut servir la bonne cause. C’est semble t’il, le sens de la séquence finale ou le Dieu-Cerf, furieux de la bêtise, perd toute moralité et s’attaque à ces individus pour récupérer sa tête jalousement gardée par les vils gardes. La tolérance n’est plus de garde et seuls la bienveillance du valeureux chevalier et de la fameuse princesse Mononoké seront à même de rétablir l’ordre. Il n’est ainsi pas innocent que les personnages féminins contribuent en grande partie à la sauvegarde de cette Terre Vierge. L’auteur tient en haute estime ces femmes courageuses, mères et épouses sacrificielles qui repoussent l’envahisseur et travaillent dur au maintien d’une cohésion interne. Et si la femme soldat est plus ou moins décrite comme arrogante et aveuglée par sa mission, elle n’en reste pas moins vaillante et ne cessera jamais de rester fidèle à ses principes, aussi destructeurs soient t’ils. La fierté comme rempart contre le déshonneur, voilà bien l’essence fondatrice de toute âme respectable.

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le 5 sept. 2014

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