Une claque cinématographique.


J'avais écrit tout une critique sur ce film, mais apparemment, senscritique a décidé de la supprimer comme ça, sans pression. Je n'ai pas la force de tout réécrire, je me contenterai de l'essentiel.


Le film capte tout ce qui fait la saveur des rapports familiaux, la gêne, mêlée à la complicité. Il nous prend et nous emporte dans un microcosme, celui d'une petite famille, une fille, Noriko, qui vit avec son père. Elle refuse de se marier pour ne pas le laisser seule. Et c'est là que le film est fort, il nous montre tout le drame de la situation: deux êtres qui s'aiment peuvent se faire souffrir mutuellement tout en cherchant sincèrement le bonheur de l'autre. Les deux personnages sont pris dans un déterminisme contre lequel ils ne pourront pas lutter : le père se sentira toujours coupable de garder sa fille à la maison et la fille se sentira toujours triste d'avoir abandonné son père.


Ozu va parfaitement mettre en scène ces deux personnages dans leur maison, jouant avec son style habituel: des cadres fixes. Il ajoutera un peu de mouvement le temps de plusieurs scènes extérieures, que ça soit des mouvement à l'intérieur du cadre (trains, envole d'oiseaux) ou du cadre lui même comme pour contraster encore plus avec l'intérieur de la maison où tout est figé dans le temps où l'amour entre un père et sa fille demeure éternel.
Toutes les pièces de la maison sont filmées en plan fixe lors de déplacement, ce qui donnera parfois un aspect comique, renforçant l'idée de complicité alors qu'à d'autre moment suivre les personnage en temps réel d'une pièce à l'autre viendra nous plonger dans l'intensité de certaines scènes dont l'arrivée retardée par ces séquences de marche vient décupler la puissance dramatique.


Il y a dans ce film toute une présence américaine également, au travers de pub coca cola, de référence au baseball ou encore à Gary Cooper. Je ne sais pas s'il s'agit d'un choix d'Ozu, des producteurs ou d'une police des idées américaines (car le japon est en pleine occupation à ce moment là) mais ce qui est sûr c'est qu'Ozu sait se servir de tout cela et nous livre sont ressenti quand à l'arrivée de l'occident au Japon de manière plutôt subtile. L'amie de Noriko incarne ce nouveau Japon, elle ne supporte pas de s’asseoir à même le sol et pour la première scène où elle et Noriko vont discuter ensemble sur des chaises, Ozu film comme il a l'habitude de le faire : à hauteur de tatami. Nous somme tellement habitué à un certain code esthétique que cette impression de contre plongée due à la surélévation des personnages sur leur sièges vient immédiatement instaurer une forme de malaise, un occident qui se fait toujours plus imposant et plus dérangeant. Plus tard chez l'amie de Noriko, nous auront le droit à une scène où elle l'attend, assise sur un fauteuil entourée de plein d'autre chaises/fauteuils, il y'en a tellement que ç'en devient absurde. J'ai bien aimé ces petites touches subtiles qui dénotent un certain malaise quand à la présence occidentale, sans être non plus trop dans le jugement, un constat des temps qui changent tout simplement.


Finalement j'ai réécris une critique presque autant longue que l'originale. Et ça n'est pas pour rien: ce film vaut vraiment la peine qu'on se penche dessus. Il met le doigt sur toute l'injustice qu'il peut y avoir dans le déchirement d'une famille, son drame n'est pas seulement encré dans une réalité social pertinente, mais également dans une psychologie voir une éthique de l'amour qui ne pourra que vous déchirer le cœur tant elle a un goût de vérité.

Jz_Mokā
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le 27 avr. 2021

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Jz_Mokā

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