En attendions-nous trop de Prometheus, vendus à grands coups de marketing viral et de teasers glaçants depuis des mois ?
L'affaire était relativement bien engagée. Damon Lindelof, ancien showrunner de Lost, s'était certes planté avec Cowboys & Envahisseurs, mais on était curieux de voir comment ses intrigues à tiroir et son goût pour l'oecuménisme allaient s'accomoder d'un pur postulat SF.

Au tiers du film, le couperet tombe. Lindelof ne semble toujours pas avoir compris les nuances entre écritures serielle et cinematographique. Le scénariste s'emmèle joyeysement les pinceaux, compromet la montée graduelle du suspense (un comble pour une prequelle Alien) en décuplant protagonistes, antagonistes, monstres, etc. L'ensemble ne manque pas de clarté, bien heureusement, mais bel et bien d'enjeux forts et définis. Les péripeties sont souvent telephonées (le medipod...) et la quête métaphysique un peu lourdaude. Prometheus propose aussi un questionnement post-humaniste vieillot reposant sur les epaules un peu trop larges du personnage de l'android David - clin d'oeil au A.I. de Spielberg ? - qui parvient, malgré tout, à exercer un certain effet de fascination (impeccable Fassbender).

Si nous ne sommes définitivement pas en présence d'un prétendant à l'oscar du meilleur scénario, Prometheus propose pourtant un spectacle d'une belle solidité. Ridlet Scott, dont le travail oscille bien souvent entre l'inintéressant et le surestimé, apporte une mise en scène d'un classicisme séduisant - le film cite d'ailleurs explicitement Lawrence d'Arabie de David Lean, inconsciemment ou non. Le casting est époustouflant (Noomi Rapace, grande grande actrice) et le spectaculaire est là.

Le film est loin de la perfection, frole souvent le film malade, mais n'est jamais ennuyeux. Il est cependant impossible de fermer les yeux sur nombre d'incoherences formelles. Comme cette soupe symphonique qu'on vient nous servir en BO et qui vient se substituer au sound design insidieux et metallique des teaser. Ou ce choix etrange consistant à engager un Guy Pearce (mal) maquillé pour incarner un vieillard à l'agonie.
Plus generalement, Prometheus pose involontairement la question des limites du marketing viral à Hollywood, cet os à ronger pour geeks en mal de mythologie pop. Le film, son titre connoté, sa tagline apocalyptico-métaphysique, nous donnaient à entrapercevoir une espèce de 2001 cuvée 2012, une panacée philosophique new-age. On se retrouve au final avec un morceau de SF relativement correct par le réalisateur de Gladiator. L'aspect "prequel d'Alien" était censé passer au second plan, alors qu'au final - faux spoiler - il ne s'agit que de ça.

On ne souhaitera pas forcement un triomphe à Prometheus, surtout l'année où the Avengers (et avec lui, une certaine idée d'un beau blockbuster au premier degré) nous a tous terrassé. Dans cet espèce de post-cinema un peu prétentieux, le film qu'on s'est fait dans sa tête reste plus beau et plus passionnant que celui projeté sur l'ecran.
Antoinescuras
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le 1 juin 2012

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