Nous sommes loin d’en avoir fini avec ce que le mouvement MeToo et il est bon de le rappeler dans une œuvre qui prône évidemment ses conséquences. L’ascension des figures féminines réjouit tout de même, malgré de nombreuses trajectoires superflues et peu pertinentes, dans le cadre du divertissement à outrance. Ce loupé ne manquera pas d’être mentionné encore et encore, en sous-texte d’une fable qui réclame davantage de réactions. Ici, pour la première de l’auteur-réalisatrice Emerald Fennell, on nous invite dans une sphère ludique à humour noir. Qu’importe la portée du sujet, tant qu’il reste aussi lucide, audacieux, malin et féroce comme celui-ci, les enjeux répondent immédiatement aux attentes. Le public connaît la recette, à force d’être servi des mêmes discours fades sur la position des femmes de tout âge. C’est pourquoi la narration aime dériver dans l’imprévisible et la spontanéité, en se calant sur l’objectif d’une héroïne, engagée dans l’ombre de la justice, qui peine à convaincre et à agir.


Une chasse aux sorcières des temps modernes s’engage alors rapidement, où l’homme devient finalement la proie et l’objet de convoitise d’une Cassandra Thomas, assoiffée de vengeance. En surfant sur la culture du viol, ou de la violence faite aux femmes en général, l’ouverture s’applique à inverser les tendances et donc les archétypes qui dominent un quotidien bruyant et hors de contrôle. Tout cela n’est qu’un jeu vu de loin, mais c’est bien à un plus haut degré de sensibilité que le film nous ramène à des réalités dérangeantes, sans pour autant nous bombarder la moralité au visage. Sa démarche tient en une crucifixion psychologique, en appelant malicieusement l’entourage de Cassie à la barre. Il n’est pas question de répondre par la violence ou même de répandre une terreur comme le genre du rape and revenge, et sans passer par une torture visuelle, souvent insoutenable. Au lieu de cela, la réalisatrice opte pour explorer les failles dans le portrait des hommes, qu’ils soient gentils, mauvais ou condamnables. Et cette part de non-dit dans la société nous est servie avec une élégance à la hauteur de la finesse dont l’héroïne fait preuve, malgré la souffrance de ses pairs.


Carey Mulligan règne en maître sur le plateau et ne jouit pas d’une immunité pour autant dans le parcours de sa Cassie, qui s’accroche à son traumatisme. Ce qu’elle a de briser finit toute de même dans le panier du charme, qu’elle use comme une arme de destruction massive. En soumettant les hommes, comme les femmes, face à leur passivité et leur médiocrité, elle s’engage dans les sentiers du remords, qu’elle cueille pour mieux résiste à l’hostilité de son monde. La manipulation de la peur lui permet un sursis dans ses moments de fantaisie ou d’égarements, car elle assume malgré tout sa féminité et des sentiments qu’elle redoute en permanence. Sa vision très pessimiste épouse néanmoins la réflexion sur des incidents qui ne doivent pas être enterrés de sitôt. L’actrice déploie ainsi toute une palette de jeu, oscillant entre la femme fatale insaisissable et ce bon enfant des plus chaleureux. Toute cette ambiguïté relaye la puissance évocatrice de l’héroïne, qui porte en elle le serment de représailles des victimes qui l’ont précédé et qui lui succéderont. Le climat y est pourtant assez souple et accessible, mais les mots comme les actes résonnent sans modération, jusqu’à ce que les fautifs se partagent le bûcher.


Inutile d’insister sur le caractère mordant de « Promising Young Woman », qui souligne également la grâce de ses interprètes. On déjoue des clichés et des codes pour mieux atteindre cette misogynie toxique et enfouie dans les âmes les plus perfides. Le message est bien passé et le film ne se contente pas de cela. Habilement, un socle temporel s’installe dans la demeure familiale et le récit laisse de la place afin de courtiser la distraction. Et même dans son dénouement, le film ne relâche pas son emprise, jusqu’à émet un soupçon de doute quant au verdict de la loi. Mais si l’on se restreint à l’échelle humaine, nous aboutissons à un signal d’alarme pour une tornade qui n’est pas près de s’arrêter.

Cinememories
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le 26 mai 2021

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