Assez déroutant de voir une chaîne du service public aussi symbolique qu'Arte, respectée, exigeante, verser dans le publi-reportage réactionnaire depuis la crise du Corona.


Ce basculement m'a frappé avec 2 docus produits coup sur coup et absolument antithétiques :



  • "Big Pharma, labos tout puissants" produit en 2019, et qui dévoilait la férocité et la psychopathie des grands groupes pharmas dans un monde capitaliste où les puissances d'argent ultra centralisées, parasitaires (car grands bénéficiaires des financements publics qu'ils privatisent constamment) sont en mesure d'imposer des règles absurdes au détriment de la santé des individus mais au bénéfice de leur portefeuille (par exemple faire disparaître des médicaments peu coûteux, pour imposer des produits aux effets identiques mais bien plus rentables qu'ils sont en mesure d'imposer aux Etats). La naïveté suprême consistant à considérer que dans un monde capitaliste les produits vendus ne peuvent par définition pas être nocifs car cela contrarierait leur image, le retour de la fameuse main invisible qui régule les marchés (l'industrie du tabac soutenait de la même façon que la cigarette était bonne pour la santé).
    Un documentaire dans la droite lignée des docus explorant la marche du monde et des dominants, et où les autorités de prétendues régulations sont aux abonnés absents car elles-mêmes bardées de conflits d'intérêts et sous totale dépendance (c'était déjà le principe dans le très intéressant "Inside Job" sur la crise financière de 2008, et qui témoigne de l'illusion, pour ne pas dire l'arnaque de vouloir réguler ce monde-là). Ce docu se concluait par les rêves des Big Pharma : trouver un traitement "blockbuster", c'est-à-dire un traitement applicable à la population mondiale et régulièrement renouvelable. On peut dire qu'on est tombé en plein dedans. La chance.


  • Arrive ensuite le fabuleux docu "Covid-19 la course aux vaccins", il s'agit ici dans le cadre de la crise du covid de réhabiliter les labos, pour remobiliser la population et donner de la confiance dans les politiques mondialisées qui vont lui être appliquées (comprendre la vaccination autoritaire et sans nuance). Dans ce dépliant grossièrement publicitaire, le storytelling consiste à humaniser l'industrie pharma en représentant chaque groupe pharmaceutique par des chercheurs têtes d'affiche, éminemment humains, bossant comme des damnés pour le bien exclusif de l'humanité, et ne s'accordant que de rares moments de pauses pour sortir leur chien, jouer avec leur bébé, évoquer leur grand-père décédé du corona, et l'importance vitale de leur mission consistant à sauver des vies. Rien sur les enjeux économiques, rien sur la quête de profit, rien sur les brevets, l'exclusivité des vaccins, les contrats (absolument immondes au passage - Irresponsabilité des Labos, financement de leurs frais de justices par les Etats, demandes d'hypothèques aux Etats africains), et évidemment strictement rien sur les effets secondaires (allez, un vague commentaire "Bon y a quelques effets, mais franchement c'est rien du tout par rapport à la population globale, le vaccin est super bénéfique, au suivant"). Etayé par rien, aucune mise en perspective, aucune analyse tranche d'âge par tranche d'âge, aucun chiffrage bénéf/risque. Nope. Restons feel good.



Comme la sauce ne prend pas des masses, et que somme toute, beaucoup de citoyens ont du mal à gober la cohérence de la politique autoritaire mise en oeuvre, et disons-le clairement, fasciste (dans le sens où grâce au ressort de la peur, la population est contrainte de se conformer à des mesures intrinsèquement absurdes), il s'agit de s'attaquer grossièrement aux outils permettant d'apporter un semblant d'opposition à la marche des dominants : Les Réseaux sociaux, symbolisés comme le mal absolu, avec des méthodes assez grandguignolesques dans le docu :


=> Prenez un supporter de Trump un peu couillon qui explique face cam, qu'il a besoin de lire les tweets de son héros pour se sentir bien dans sa peau, mais exclu par sa famille qui ne le comprend plus, le pauvre, le complotisme vous condamne à l'isolement social, fuyez pauvres fous - Le tout illustré par une musique sombre et triste et une mise en scène de la dépression à mourir de rire ;


=> Prenez des dirigeants populistes qui agitent les peurs sur les réseaux, traitent une journaliste de cochonne, s'en prennent aux migrants, aux féministes et aux musulmans (et qui accessoirement appliquent une politique globalement identique à celles des capitalistes mondialistes, comme l'explique très bien Bégaudeau).


Et voilà, vous venez de prouver que l'eau ça mouille et vous venez de réaliser l'énorme arnaque contemporaine : la folklorisation. Prenez des exemples caricaturaux pour disqualifier tout un ensemble. On trouve des choses fausses sur les réseaux sociaux. Les réseaux sociaux sont donc le mal, tout ce qui en sort est nécessairement faux, peu fiable, et manipulé. Lisez Le Monde.


Evidemment dans le Monde des médias traditionnels, la manipulation de masse n'existe pas.
Dans le monde des médias traditionnels, un homme/un parti ne peuvent pas adresser des messages de propagandes à l'ensemble de la population, ni à Geneviève, 83 ans, dans le Cantal, qui passe ses journées à mater BFM TV.


Evidemment quand la totalité des journaux/radios/TV nationales sont possédées par 9 milliardaires, et que ces 9 milliardaires nomment des chefs de rédaction qui contrôlent lesdits médias et qui décident quelles infos remontent ou non, il y a tout lieu d'être en parfaite confiance sur la fiabilité de l'info transmise (ce principe pyramidal se retrouve dans tous les milieux d'argent). Voir par exemple l'extraordinaire interview de Laurent Joffrin ex-Libération (à renommer Altice-Presse) dans le super documentaire des derniers mohicans du journalisme "Les nouveaux chiens de garde". Joffrin y explique benoitement que le pouvoir appartient à son boss, car c'est son boss qui paye. L'acte de décès du journalisme est signé.


Evidemment quand la quasi-totalité des infos transmises par les médias occidentaux ne proviennent que de 3 agences de presse privées (AFP/Reuters/AP), qui sont allègrement alimentées par les pouvoirs publics, aucun risque que ça ne tourne mal, et que la diversité des points de vue ne soit pas préservée. Voir par exemple cet excellent billet sur la question.


On se retrouve en fait dans une situation atterrante où les médias traditionnels ne sont plus que de vulgaires attachés de presse du capital.



Un exemple récent, lié à la crise Covid et qui m'a frappé.



Fin septembre 2021, Pfizer prévoit une vaccination des enfants de 5 à 11 ans sur la base d'un essai portant sur 2268 enfants. Pourtant, il est impossible de démontrer la sécurité ou l'efficacité du vaccin sur un essai aussi petit, car les hospitalisations des enfants sont rarissimes chez les 5-11 ans (de l'ordre de 1 pour 100.000).


Voici quelques exemples de ce qui a suivi directement dans la foulée dans les médias français :


Le Monde "Pfizer annonce que son vaccin est « sûr » et efficace pour les 5-11 ans"


Challenges "Coronavirus: Le vaccin Pfizer/BioNTech est sûr et efficace chez les enfants"


BFM TV "Vaccination des enfants: Pfizer et BioNTech ont soumis leurs données au régulateur américain" : "Le géant américain et la biotech allemande ont annoncé la semaine dernière les résultats des essais de son vaccin chez les enfants, le qualifiant de "sûr" et "bien toléré" chez les 5-11 ans."


20 Minutes "Vaccination : Le vaccin Pfizer/BioNTech est « sûr » pour les 5-11 ans, la réponse immunitaire « robuste »"


Et ce copié/collé se retrouvait dans une dizaine d'articles figurant tous en premiers résultats lors d'une recherche sur google actu, le jour de l'annonce de Pfizer. Dans aucun de ces articles, les "journalistes" n'interrogeaient cette information ou la mettaient en perspective. Un tel empressement à relayer cet élément de langage du labo, conduit in fine à faire comprendre aux parents qu'ils n'ont aucune raison de s'inquiéter à faire passer leurs gamins à la casserole pour pouvoir aller jouer au foot avec leurs camarades, aller au musée, ou voir leurs proches à l'hôpital ou en EHPAD sans payer et se faire triturer le pif tous les 3 jours.


Eric Stemmelen, ancien directeur des programmes de France 2 explique très clairement le fonctionnement de la propagande massive des médias traditionnels dans un entretien qui fait froid dans le dos:



La profession s'autocensure. Je pèse mes mots : pour des raisons lucratives. Il faut pas jouer aux innocents. Il y a de l'argent à gagner ! Quand le présentateur de la Matinale d'Europe 1 est payé 38.000 € par mois, ça vaut quand même le coup de raconter n'importe quoi à ce tarif. Et en dessous, c'est le contraire, au s'auto-censure par peur d'être viré. Le système est bloqué de ce fait. (...) Le système est plus efficace dans la mesure où il y a le copié/collé, c'est-à-dire la reproduction sur des sources apparemment diverses du même discours. Quand l'opinion est confrontée au fait que l'article du Figaro est finalement le même que celui de Libération, qui est finalement le même que celui de l'Obs, qui est le même que celui du Monde, alors qu'il s'agit de sources bien différentes, avec dit-on un pluralisme, une diversité. Mais tous, disent la même chose ! Et donc le public se dit "C'est la vérité ! ", puisque des organes aussi différents l'un que l'autre disent la même chose. Sauf qu'ils n'ont rien de différent, ils appartiennent tous à des milliardaires qui, eux, sont copains entre eux et n'ont pas besoin de se consulter pour dire la même chose. C'est dans leur cerveau. Donc à l'époque, quand l'ORTF disait quelque chose, vous aviez l'Express qui disait le contraire ! Vous aviez l'Humanité qui disait évidemment tout à fait différemment ! Vous aviez le Nouvel Obs qui était un journal qui pensait différemment ! Le Monde dirigé par Monsieur Beuve-Méry n'était visiblement pas gaulliste, etc. Donc vous aviez une vraie pluralité d'information qui aujourd'hui n'existe plus".



Par l'hyperconcentration capitaliste, les sources qui sont à la base de toutes les informations diffusées dans les médias mainstream sont donc objectivement mortes (et les enjeux sont gravissimes puisque par exemple des encyclopédies neutres comme Wikipedia procèdent à une hiérarchie des sources en ne retenant comme sources valables que des journaux traditionnels qui aujourd'hui n'hésitent plus à servir uniformément la soupe à une narration gouvernementale et se concentrent sur la dénonciation des opposants (qui n'ont plus que les réseaux sociaux pour s'exprimer) avec le fameux point godwin du "complotisme". Cela donne des situations aberrantes, où le Monde peut par exemple écrire un jour que les gens qui s'interrogent sur l'origine humaine du virus sont des complotistes d'extrême droite, avant de reconnaître un an plus tard que l'hypothèse se tient. Entretemps le mal est fait. Les complotistes sont-ils des gens qui ont raison trop vite ?


Les réseaux sociaux sont le seul espace de liberté d'information horizontale fondamentalement subversif pour le pouvoir, puisqu'il y est possible pour n'importe qui d'exposer au grand jour les arnaques/les mensonges de la propagande officielle et d'avoir une très grande audience.


Un exemple : Le compte Décoder l'éco sur twitter est tenu par un statisticien qui analyse notamment les études statistiques publiées par les institutions gouvernementales françaises sur l'épidémie COVID et qui servent de justificatif à la politique menée. Il est dans une pure démarche de fact-checking et a permis de révéler que l'étude de la DREES qui a servi de fondement à l'instauration du passe sanitaire et qui expliquait notamment que 85% de non vaccinés étaient à l'hôpital, était tout simplement tronquée ! Il y manquait la moitié des décès par rapport aux statistiques officielles de décès (et cela a été admis postérieurement par la DREES dans un addendum) sans que cela ne soit relevé par aucun journaliste officiel, sans que cela ne soit indiqué nulle part dans la méthodologie, et sans qu'on ne sache le statut vaccinal des personnes écartées (ce qui pouvait évidemment radicalement transformer les résultats opportunément utilisés par Macron, Véran, Castex & co, tout comme le fameux "les vaccinés ont 12 fois moins de chance de transmettre le virus" de l'Institut Pasteur qui s'est finalement rétracté début septembre après une plainte pénale, et surtout après que la grande majorité de la population ait accepté le chantage aux libertés - les mensonges n'étant officiellement rétractés qu'à la condition que l'objectif poursuivi soit atteint).


Cette démarche qui consiste à contrôler l'action gouvernementale, ses éléments de langage, c'est le véritable fact-checking (et qui permettait par exemple dans les 70's aux USA de dénoncer des scandales, des "complots - ben oui les complots ça peut exister, sur la guerre du Vietnam, sur le Watergate).


Le fact-checking des medias dominants consiste à donner l'illusion d'un journalisme d'investigation complètement mort. Même Mediapart procède à la censure et a fait le choix de se conformer à la propagande gouvernementale, en censurant par exemple les articles du sociologue Laurent Mucchielli sous prétexte qu'il indiquait qu'il y avait un nombre considérable d'effets secondaires déclarés, ce qui ne signifiait pas nécessairement qu'ils soient imputables aux vaccins - menfin tout le monde sait que l'objectif de la pharmacovigilance n'est certainement pas de révéler de scandales sanitaires (l'ANSM ne l'a jamais fait), le lien d'imputabilité étant en pratique quasi-impossible à confirmer, et tout doute profite au médoc - voir par exemple les enquêtes de Mediapart en d'autres temps, et l'Usine nouvelle qui n'hésitaient pas à épingler l'ANSM et l'agence européenne du médicament pour leur très grande complaisance avec les industriels qui les financent. Mais surtout, le fact-checking est mis au service quasi-exclusif des gouvernants : il ne s'agit pas pour les journalistes de contrôler leur action, mais de contrôler l'action des gens qui veulent contrôler les gouvernants.


Toute la perversité du fact-checking par le gouvernement et pour le gouvernement, déguisé sous le faux-nez du journalisme objectif et indépendant est là, et très bien décrite par Décoder l'éco.


Alors voilà. L'espace démocratique permis par les réseaux sociaux grâce à la libre circulation d'idées (acceptables ou non, là n'est pas le sujet), susceptible de mettre à jour les manipulations officielles, est devenu absolument insupportable. Il s'agit donc de mettre en oeuvre toute une série de législation anti fake news (voir par exemple l'immonde projet de loi AVIA généralisant un système de censure qui rappelle les plus belles heures). Il ne s'agit plus de censurer directement, mais d'obtenir des intermédiaires supposés neutres, d'exercer eux-mêmes la censure.


Et c'est précisément ce qui s'est passé dans la crise du Covid. Depuis la mise en place des mesures autoritaires, une politique agressive de censure a été instaurée par les intermédiaires sur leurs propres réseaux sociaux.
Il est par exemple interdit sur Youtube de poser des questions sur la sécurité des vaccins covid, sous peine de "strike" soit une suppression automatique de la vidéo. Sur twitter de nombreux comptes critiques, ou qui se contentent simplement de relayer des études scientifiques étrangères qui ne vont pas dans le sens de la doxa, sont bannis en masse.
Sur certains contenus laissés en ligne, il y a en dessous un petit encart qui empêche de commenter ou partager le contenu et qui indique de faire attention car l'information donnée n'est pas conforme à la vérité officielle promue par les gouvernements et les institutions.


Un autre exemple qui m'a franchement choqué (et qui est pour moi un seuil d'alerte, un indice supplémentaire que quelque chose ne tourne clairement pas rond) : la censure d'une vidéo de la chaîne youtube du compte PadawamHD, où un rescapé du covid raconte qu'il est dans l'incapacité de se vacciner, et donc d'avoir un passe sanitaire sans avoir à subir les tests pcr tous les 3 jours, car son taux d'anticorps explose tous les plafonds. Ses médecins lui ont expliqué que le vaccin serait risqué pour lui, sachant qu'il avait déjà salement dégusté du covid.
La vidéo a été dégagée manu militari, alors qu'il n'y avait aucune critique du vaccin. Mais elle contredisait la narration gouvernementale et la justification de sa politique intrinsèquement aberrante.


La vidéo censurée a été réuploadée sur un autre site de streaming "Odysee" (beaucoup plus modeste et donc nécessairement plus indépendant).


Finalement des contenus parfaitement valables, et donc dangereux, sont censurés et relégués sur des sites confidentiels. C'est une manière assez efficace de les disqualifier d'office : s'ils ne sont pas admis sur les réseaux sociaux communément admis, alors c'est forcément une fake news. Et s'ils ne sont pas dans les médias tradis, alors soyez extrêmement méfiants.


Cette imposture globale me fait bien de la peine (surtout pour ceux qui la gobent pleinement). Mais j'ai encore plus de peine de voir Arte, ce phare dans l'obscurité, sombrer à ce point. Les sources sont mortes, une page se tourne.

KingRabbit
3
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Journal du roi lapin - Films 2021

Créée

le 11 oct. 2021

Critique lue 895 fois

16 j'aime

5 commentaires

KingRabbit

Écrit par

Critique lue 895 fois

16
5

D'autres avis sur Propagande, les nouveaux manipulateurs

Propagande, les nouveaux manipulateurs
Fatpooper
4

Le complot est ailleurs

Amusant. Le film commence en se moquant d'un complotiste-trumpiste, comme pour dire que ces gens qui croient à une force supérieure qui nous contrôle sont idiots, et finalement on termine le film...

le 12 oct. 2021

5 j'aime

2

Du même critique

Les 8 Salopards
KingRabbit
8

Peckinpah Hardcore

Le film va diviser... Encore plus que d'habitude pour du Tarantino, mais sur le plan moral essentiellement, là où les précédents Tarantino décevaient également sur la forme, avec des films...

le 25 déc. 2015

259 j'aime

26

Batman & Robin
KingRabbit
9

Pourquoi j'aime (sincèrement) "Batman et Robin"

Je vois bien ce petit jeu qui consiste à se moquer plutôt méchamment et bassement de ce film en tournant en dérision tous ses côtés un peu débiles volontaires ou non. Mais j'aime vraiment bien Batman...

le 16 juin 2013

162 j'aime

25

Battle Royale
KingRabbit
7

Souvenirs de collège

Je me souviens, il y a une douzaine d'années, quand je n'étais qu'un collégien d'1m57, de la salle de perm, à la cour, jusqu'aux couloirs étroits menant au réfectoire, se murmuraient avec insistance...

le 8 sept. 2013

119 j'aime

5