Cinquième film du sud-coréen Yeon Sang-Ho, Psychokinesis est sa seconde expérience live après Dernier Train Pour Busan, rafraîchissant film de zombies qui prenait aux tripes de la première à la dernière minute, à défaut d'être fin dans sa réalisation et sa dramaturgie. Ce que le réalisateur comptait faire du super-héros avait de quoi attiser la curiosité, d'autant plus qu'il y perpétue ce sujet très spielbergien qu'est la famille - plus précisément la relation père-enfant - sujet qui évolue au sein d'un contexte spectaculaire. Le tout nourrit par l'environnement social, la suractivité dans Dernier Train..., ici un monde capitaliste où les gros mangent les petits.
Mais assez rapidement, Psychokinesis déçoit. Non pas que le film soit un échec total, mais que sa maîtrise vacille sous le poids de son caractère mutant, aussi grotesque que celui du personnage principal. Le film de Sang-Ho pioche trop vulgairement dans divers genres, devenant vite un melting-pot qui désarçonne. Avant toute chose, il va derechef s'enfiler une grosse piqûre de comédie burlesque, de l'exposition du héros à la découverte de ses pouvoirs, sustenté par la performance à la limite du ridicule de Ryu Seung-Ryong, un tout mal dosé qui pourra faire décrocher quelques spectateurs.
Et le fait est que le film embrasse aussi à l'extrême opposé un caractère spectaculaire et violent, s'ouvrant par exemple sur une séquence pourtant alléchante qui présente le contexte et un élément émotionnel moteur sur un ton assez radical. Démarrer de cette façon pour ensuite flirter avec le cartoon est un contraste bien représentatif de ce tort, d'autant plus couplé au pathos familial très gras et un portrait sociétal assez caricatural. Bref : tel son héros un peu gauche qui se découvre et en fait des caisses, le film suit son chemin tout tracé.
Cela étant, il faut reconnaître que Sang-Ho sait s'accaparer les codes du super-héros pour les détourner, les triturer dans un environnement inhabituel, pour enfin parler d'autre chose que l'éternel complexe du sauveur et autres nemesis, le looser qui devient la grande figure, etc... Le travail mythologique dans Psychokinesis est quasi-inexistant - la source du super-pouvoir est balayée dans une scène de trente secondes - ceci pour mieux diriger sa dramaturgie sur la relation familiale et le portrait de citoyens rongés par les grosses corporations. Le film se veut partiellement critique, à coups de moments mordants, de scènes de délogeage, d'émeutes, de corruption et de travers médiatiques, mais toujours le sourire en coin.
Le métrage perd d'autant plus son équilibre qu'il connaît des transcendances assez régressives, d'un fight télékinétique à un contre vingt jusqu'à un climax apocalyptique assez ahurissant où le héros lâche la bride de son pouvoir. Dans ces scènes d'actions et autres moments démonstratifs, la caméra de Sang-Ho sait dégager une belle énergie, bien que quelques effets spéciaux dépassés piquent un peu l’œil et favorisent un anti-réalisme qui invoque le manga.
Psychokinesis va dans le mélodrame, la comédie, la satire et le grand spectacle, prenant ici sans grande subtilité plusieurs sentiers comme aiment si bien le faire les sud-coréens. Cela n'en fait pas un grand film de super-héros, loin de là, mais plutôt un honnête divertissement populaire quoiqu'un peu indigeste. Il en dégage toutefois l'amour très communicatif d'un réalisateur pour ses personnages, quitte à là aussi manquer de finesse. Jusqu'aux dernières secondes où la déconvenue côtoie l'espoir, il en ressort un objet naïf, et donc touchant.
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