Qui aurait pu s'attendre à ce que ce film d'Alfred Hitchcock, reposant sur un scénario si simple, devienne si culte dans le monde entier? Dès la fin de sa première année après sa sortie en salle, le film avait reçu environ 15 millions de dollars au box-office, soit plus de 15 fois le montant du budget. C'est surtout grâce à la célèbre scène de la douche – dont tout le mondre se souvient et se souviendra toujours – que le film eut un tel succès, effrayant dès lors quiconque voudrait prendre une douche paisiblement. Mais le film est bien plus qu'un film d'horreur. Doté d'un humour noir propre au réalisateur, défiant certaines notions de l'époque et instaurant quelques nouvelles techniques de tournages, "Psychose" s'impose aussi comme une oeuvre avant-gardiste pour les films d'horreurs futurs.

Le film est en outre une sorte de critique de la cruauté de la vie. Initialement, le roman d'après lequel Joseph Stefano a écrit le scénario du film était lui-même basé sur des faits réels, soit l'histoire du tueur cannibale du Wisconsin Ed Gein, qui inspira d'ailleurs plus tard et d'une façon plus directe "Massacre à la Tronçonneuse" de Tobe Hooper. Aujourd'hui, "Psychose" est un référence qui a inspiré pas mal de réalisateurs et de films, depuis John Carpenter pour "Halloween" jusqu'à Oren Peli et son récent "Paranormal Activity", en passant par "Liaison Fatale" et, bien sûr, toutes les suites de "Psycho", soit 3 au total, plus un remake de Lars Von Trier.

Alfred Hitchock, à la fois réalisateur et producteur du film, était assez libre de choisir lui-même à quoi ressemblerait son film. En collaboration avec le scénariste, il était surtout question pour eux d'apporter de nouvelles notions dans le cinéma d'horreur. La violence du film, son contenu sexuel et pas mal d'éléments de la scène de la douche avaient de quoi choquer à l'époque. Le film, en outre, commence avec des scènes montrant le personnage de Marion (incarnée par Janet Leigh) fuir sa ville avec de l'argent qui n'est pas le sien, stresser à l'idée d'être ratrappée par la police et être assassinée en prenant sa douche dans un motel où elle a décidé de passer la nuit. Et tout cela en seulement un quart d'heure de film. Peu nombreux sont les films où le caractère principal présenté au début meurt aussi vite. Cette idée, déjà présente dans le roman de Robert Bloch, est bien entendu celle qui suscite cette notion de "vie cruelle".

Comme si ce n'était pas encore assez cruel comme cela, Hitchcock se permet également d'ajouter quelques touches d'humour noir avant cette scène de la douche. Parmi celles-ci, on peut noter par exemple la remarque de l'officier de police qui trouve Marion endormie dans sa voiture et qui lui recommande d'aller dans un motel du coin, "juste pour plus de sécurité". Ou encore la remarque de Norman Bates, propriétaire du Bates Motel, en parlant de sa mère qui est un petit peu folle de temps en temps et qui rapplique avec un "on devient tous un petit peu fou de temps en temps"...

Ce sont ces petites remarques ironiques qui viennent apporter un peu de piment au scénario qui, suite à la mort de Marion, va se transformer en une sorte de thriller avec une enquête menée d'abod par un inspecteur, ensuite par les compagnons de Marion. Et ce n'est qu'à la fin que le titre "Psychose" trouve sa justification. Car tout au long du film, nous ne pouvons que supposer que l'assassin n'est autre que la mystérieuse mère de Norman Bates, bien que l'on peut tout de même se douter de quelque chose auparavant...

C'est Anthony Perkins qui incarne avec talent ce jeune Norman Bates qui, en dépit de sa gentilesse, laisse supposer un esprit assez dérangé. Janet Leigh, quant à elle, marquera à jamais les esprits de par les images d'elles nues en train de se faire assassiner sous la douche. Alors que la scène avait tout d'une scène violente avec forte nudité à l'époque, on peut constater au final qu'Hitchcock ne nous montre pas tant de choses que ça. La scène est surtout impressionante pour le nombre de prises de vues, chacune prises par une caméra placée à un endroit différent. Au total, la scène compte 78 positionnements différents de la caméra. La scène, ayant pris 7 jours de tournage, a relevé pas mal de défits à l'équipe de tournage, comme "comment filmer le pommeau de la douche de dessous sans mouiller la caméra ?" Pour certaines scènes, il a même fallu déplacer les murs du décor de la petite salle de bain.

Hitchcock savait exactement où placer sa caméra, et pour cause, il utilisait une technique utilisée et développée de plus en plus de nos jours. Comme il l'a lui même expliqué dans son livre "My Own Methods" (1937), "le tout est de placer les spectateurs directement à l'intérieur de la situation au lieu de les laisser la regarder de l'extérieur, depuis une certaine distance. Et vous ne pouvez faire cela qu'en séparant l'action en détails et en passant de l'un à l'autre, de façon à ce que chaque détail soit à son tour forcé sur l'attention du public et révèle sa signification psychologique." Ainsi donc, nous voyons ce que Marion voit, et nous voyons ce que le tueur voit, raison pour laquelle la scène avait autant d'effet à l'époque.

Mais il va sans dire que tous ces détails montés ensemble n'auraient donné aucun effet sans la fabuleuse musique de Bernard Herrmann, compositeur attitré du réalisateur. Bien que le film contienne un très beau thème et utilise la plupart du temps des instruments à corde tels que des violons pour apporter un côté dramatique renforçant le suspense, c'est surtout aux moments d'horreur où la musique de Herrmann se montre la plus efficace, affichant haut et fort des sons brefs, à haut volume et répétitifs de violons stridents, s'arrêtant uniquement une fois que le calme est revenu.

Au final, le film ne contient en tout et pour tout que trois scènes d'horreur, précédées par un petit moment de suspense. Le reste du temps, on a droit à suivre l'évolution de l'enquête à travers d'inombrables dialogues loins d'être le point fort du film. La seconde scène par exemple est celle où l'inspecteur chargé de l'enquête s'aventure dans la grande demeure de la famille Bates – une genre de maison hantée rendant le décor très riche – et se fait poignarder au premier étage avant de dégringoler tous les escaliers pour s'affaler au rez-de-chaussée. Pour tourner cette scène, il a encore fallu à l'équipe créer un effet spécial permettant de voir l'acteur de face en train de dévaler les escaliers. La scène, bien que réussie pour l'époque, a pris un sacré coup de vieux depuis. La dernière scène, quant à elle, nous dévoile tout la vérité sur Bates et sa mère. Cette fois, ce sont les compagnons de Marion qui enquêtent sur les disparitions de Marion et de l'inspecteur en s'introduisant dans la maison.

[Spoiler] Après cette scène finale, on assiste également à une ultime explication sur la réelle nature de la famille Bates, plus approfondie et détaillée, et le film se termine symboliquement sur le sourire démoniaque (à juste titre, vu l'effet spécial présenté sous forme de léger fondu) lancé par Norman Bates aux spectateurs et la découverte de la voiture disparue de Marion.

Hitchcock nous a montré tout le talent et la preuve d'originalité dont il était capable à travers "Psychose". Le film doit son succès à plusieurs facteurs, parmi lesquels les habiles coups de publicités lancé par Hitchcock lui-même (découvrez par exemple son amusante bande-annonce du film sur youtube en cliquant ICI). Il est heureux qu'il ai pu également s'arranger avec les censeurs, qui ne se montraient pas très ouverts au projet au départ, le jugeant trop violent et/ou sexuel. Quoi qu'il en soit, "Psychose" est un chef d'oeuvre du cinéma, marquant une nouvelle étape dans l'évolution du cinéma d'horreur, avec une scène qui s'est avérée être l'une des plus terrifiantes de tous les temps!

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le 2 mai 2014

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Ciné-Look

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