Quentin Tarantino : Acte de naissance

Quentin Tarantino, ce cinéaste aujourd’hui reconnu et salué par des fans fidèles, fut longtemps un inconnu et un cinéphile comme un autre, avant d’enflammer la croisette de Cannes ce printemps de 1994, et de sortir le film qui allait tout changer : Pulp Fiction.


Pulp Fiction a, avec le temps, rejoint le rang des films que l’on qualifie de « cultes ». Sa musique, son affiche, ses répliques et ses personnages sont devenus des éléments à part entière de la culture « pop » cinéma, ce qui fait de toute éventuelle découverte tardive du second long-métrage de Tarantino la confrontation avec ce que l’on qualifierait comme un étant un immanquable, une étape obligatoire dans la vie de tout amateur de cinéma comme il se doit. Presque comme le véritable point de départ de la carrière de Tarantino, après un Reservoir Dogs déjà convaincant mais souvent dans l’ombre de son successeur, c’est aussi l’un des éléments les plus difficiles à appréhender et à cerner dans la filmographie du cinéaste. Car c’est, ici, toute l’essence de son cinéma qui s’exprime, de la manière la plus brute et la plus étonnante qui soit.


Quentin Tarantino aime le cinéma, passionnément. Depuis bien longtemps déjà, il regarde de nombreux films et s’en imprègne pour, à son tour, parvenir à en réaliser. Les hommages ont toujours fait partie de ses films, à différentes échelles, et de différentes manières. Ceux-ci ne manqueront pas dans Pulp Fiction, qui offre une version très originale du film de gangsters, complètement revisité par le cinéaste. Dans Reservoir Dogs, nous évoluions dans un espace clos, qui permettait la mise en place d’un vrai exercice de style, mais, ici, il n’y a plus aucune limite. Avec Pulp Fiction, Quentin Tarantino utilise tout un arsenal cinématographique varié et affûté pour proposer ce qui constitue la véritable base de son cinéma. Dialogues, musiques, maîtrise du temps, tout est bon pour construire un objet cinématographique singulier où Tarantino fait ce qu’il fait le mieux : s’amuser.


Le cinéma, ce n'est pas juste filmer des plans et les faire s'enchaîner grâce au montage, pour raconter une histoire allant d'un point A vers un point B. Le cinéma permet de faire ce que l'on veut avec les images, les mots et, surtout, le temps, cette chose si impalpable, inflexible et incontrôlable. Ici, le temps est complètement distordu, les scènes s'enchaînent, mais jamais dans l'ordre dans lequel elles devraient s'enchaîner, selon toute logique. Cela n'empêche pourtant pas une lecture assez limpide du film, qui se lit comme un ensemble qui, malgré son côté désordonné en apparence, est tout à fait cohérent et lisible. Bien sûr, à cela, Tarantino ajoute d'autres éléments essentiels à son cinéma, les dialogues en premier. Si les films de Tarantino sont si bavards, ce n'est pas juste pour le plaisir de la réplique qui fait mouche, et on sait très bien que Pulp Fiction en est rempli, entre la discussion sur le "Royal Cheese", les citations de la Bible par Ezekiel, ou encore la fameuse histoire de la montre qui traverse les générations, et pas que. C'est surtout le moyen privilégié par Tarantino pour caractériser ses personnages et les faire vivre à l'écran.


Pulp Fiction est un film qui s'apprécie autant comme un divertissement amusant et baroque, que comme une oeuvre cinématographique dense et propice à de longues heures de dissertation et d'analyse. C'est, peut-être, ce qui fait aujourd'hui son universalité, et qu'il est si unanimement reconnu comme étant un grand film. Il faut, parfois, laisser le temps faire son oeuvre pour l'apprécier dignement, ou se réconcilier avec, si la première rencontre n'a pas été aussi concluante qu'espérée. Toujours est-il que Pulp Fiction se présente comme étant le film matriciel de l'oeuvre de Quentin Tarantino, celui qui offre une première apothéose tout en étant une base pour la suite, une oeuvre de cinéphile pour encore plus apprécier la magie du cinéma.


Critique écrite pour A la rencontre du Septième Art

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le 4 sept. 2014

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JKDZ29

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